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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 06:27

Si la diversité linguistique disparaît, c'est la faute à Rousseau

rousseau2.gif

Depuis quelques années, la diversité linguistique comme sujet d'intérêt pointe son nez dans un méandre d'informations. Force est de constater que cela intéresse de plus en plus de personnes. On ne compte plus désormais les articles qui parlent de diversité linguistique ou ethnique.  La découverte en 2008 d'une langue, le koro, dans une région reculée du nord-est de l'Inde, a même fait la une de l'actualité. De même que la disparition de l'aka-bo avec le décès de sa dernière locutrice.

Alors, dans de grands élans de générosité journalistique, sauver la diversité sous toutes ses formes répond actuellement a une forte demande. Par exemple, espérer sauver des tribus encore isolées de l’occidentalisation, préserver leur mode de vie, leur langue, leur territoire est un bon sujet éditorial. On souhaiterait même qu'ils restent à l’abri de notre planète civilisatrice et ultra libérale.

Pourquoi sauvegarder les diversités ?

Par réflexe, il nous paraît souvent légitime de vouloir préserver toutes sortes de diversités : linguistique, ethnique, biologique animale et végétale ou autre. Depuis des milliers d'années, nous expérimentons en effet toutes sortes d'expériences profondes et intrinsèques à l'humanité. Et la sauvegarde des diversités nous semble être un enjeu primordial. La vie dans toute sa pluralité fait partie de notre histoire, de notre patrimoine commun, de notre survivance. Et la somme de toutes ces expériences forment donc un ensemble, un tout indissociable à l’humanité, et ce, depuis la nuit des temps. Par conséquent, il est donc assez aisé de comprendre que pour la plupart d'entre nous, la préservation des diversités doit être sauvegardée puisqu'elle fait partie de nous. 

 

Alors, que ce passe-t-il ? Que faisons-nous en général ? Et bien, nous célébrons cette diversité. Nous voulons tellement la célébrer, que des chaînes spécialisées se créent. La demande est forte. Nous nous émerveillons devant des paysages à couper le souffle, devant des ours polaires en perdition sur la banquise ou devant les coutumes ancestrales des Yanomamis. Des émissions de TV réalité se déroulent loin de la civilisation, dans un environnement de rêve, là où la nature ''dicte'' supposément sa loi. Dans des articles de journaux ou sur des blogs comme le mien, on réclame de la diversité à tue-tête : de la diversité pour Monsieur LeBreton, de la diversité pour Madame LaForêt, de la diversité pour Madame L'Algonquine, de la diversité pour Monsieur LeTigre d’Asie, de la diversité pour Madame Lamusulmane… Stop !

Sur le papier, cela fait propre, éthiquement correct et en soi logique. Mais seulement, ce n'est malheureusement pas politiquement correct et nous allons voir pourquoi.

Quand la diversité naturelle s'oppose à la diversité sociale

Ce que je constate, c'est que tant que les enjeux ne forcent pas le politique à s'impliquer, tout va bien, ou presque, dans le monde de la diversité et de ses protagonistes dont je suis. Seulement la réalité est tout autre. Je ne ferai pas une énumération des problèmes mais la préservation de toute diversité va souvent à l'encontre même de nos choix de société ou des raisons financières. Et là est le problème.

 

La vie en société exige en effet le rassemblement de la diversité au sein d'un monde commun, elle procède donc à une réduction de la diversité vers un objectif universel, une unité de l'ensemble. Alors que la diversité naturelle prévaut comme la condition sine qua none à toute reproduction, le modèle social quant à lui va dans le sens contraire. Le politique qui soutient parfois cette diversité, aussi lieu où s'exprime les pluralités, est aussi le lieu où le choix d'un projet commun tuera toutes ces pluralités. Et ce parfois, dans un processus tout à fait démocratique, pour le soi-disant bien-être commun de la société.

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D’où le concept de volonté générale, conçu par Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social, pour qui la « volonté générale (ou volonté du peuple) fonde la légitimité du pouvoir politique et désigne ce que tout citoyen devrait vouloir pour le bien de tous et non pour son intérêt propre.

Les forces de l’État peuvent seulement être dirigées par la volonté générale (l’accord des intérêts particuliers) pour tendre vers le bien commun. La souveraineté populaire peut être déléguée, en s’accordant provisoirement avec la volonté d’un homme, mais ne saurait se soumettre dans la durée à la volonté d'un seul homme. Il est à noter que la volonté générale ne correspond pas à la volonté de la majorité : elle est, d'après Rousseau, "la somme des différences de la volonté de tous " à laquelle on a donc ôté les plus et les moins qui s'entre-détruisent1.

 

La diversité ne pose par conséquent aucun problème tant et aussi longtemps qu’elle n’est plus l’enjeu politique ou financier d’une société. Donc, si les forces politiques veulent qu’une seule langue s’impose à un territoire X donné, la diversité n’a plus de raison d’être.

 

De nos jours, nous sommes tous, sauf à quelques exceptions, dans un processus de mondialisation. Le discours ambiant et véhiculé, veut que nos sociétés primitives3 abandonnent certains particularismes. Elles doivent et vont se transformer dans un ensemble commun, où les lois et les forces qui s’affrontent vont inexorablement vers un choix collectif. Un choix pour tous, un choix unique qui dans son acception s'oppose à tout concept de diversité. (Voir les débats qui posent problèmes à la société québécoise ; les débats sur l’intégration des immigrants dans leurs diversités et un best of humoristique, le port du kirpan à l'école au Québec ...etc.)

 

Quelles en sont les conséquences ? Et les langues ?

rousseau3.jpg

D'un point de vue linguistique, que ce passe-t-il? Il se passe exactement la même chose que dans le domaine de la biologie, de l'ethnologie, de la culture, soit une réduction du nombre de langues. En Europe, si l'on supplante un territoire national par un territoire supranational, le champ d'action des politiques linguistiques s'élargit. Les différents modèles de société vont à leurs tours délaisser la diversité linguistique afin que l'on puisse parler d'une seule voix. D'ailleurs, la langue anglaise comme principe de base d'unification ou d'intercompréhension est devenue un leitmotiv pour tous les pays : « il faut apprendre l'anglais pour se comprendre et échanger ». Et cela marche au regard des statistiques. Au sein de l’Union européenne, l’anglais est connu par 47% de la population dont 13% seulement ont l'anglais comme langue maternelle.

À plus ou moins long terme, dans un même dessein, il me semble que l'on parlera une langue commune pour notre « soi-disant » bien-être et notre sécurité. Si ce processus d'endoctrinement perdure assez longtemps, les gens croiront avoir choisi eux-mêmes de laisser leur propre langue au profit d’une autre. De plus, je pense également que pour une vaste majorité de gens, une langue n’est qu’un simple outil de communication. Et s’il y a un outil « soi-disant » plus performant pour l’avenir de leurs enfants, ils délaisseront l'ancien.

Seulement à force de tenir le discours « une seule langue pour tous » durant des décennies, d'en mettre les moyens, surtout en éducation et dans les média-mensonges dominants, les gens y croient. En une ou deux générations, ils abandonnent volontairement ou contraint un patrimoine culturel et linguistique parfois millénaire. Puis finalement, quand le cadavre sera bien consumé sur l'autel du compromis social, on nous dira que c'est aussi la faute des gens qui ont abdiqué.  Ce n'est pas faux mais c'est mal connaître les politiques linguistiques d'assimilation.

Quelques critiques...

Dans certains commentaires, il m’a été reproché d’être pessimiste face à l’avenir de la langue française, que je demande le chemin de la repentance2 comme beaucoup ou que je tiens le même discours du French-speaking bashing (Un néologisme que je viens de créer en référence au Québec Bashing). Sur la forme, c’est vrai ! Sur le fond, ma prise de conscience va au-delà du caractère partisan. Quoique j'aurai toujours un faible pour les plus faibles !

 

 

 

En conclusion

Voilà, par ce court article, j’ai essayé de transcender le débat au-delà des controverses partisanes ou des querelles de détails. L’Histoire humaine est une conquête, une conquête sur son environnement et sur elle-même. Elle va, me semble-t-il, dans sa forme sociale à l’encontre de la diversité. Va-t-elle y parvenir ? Je n’en sais absolument rien. Ça c'est un tout autre débat. Cependant, depuis 60 ans, nous sommes bien partis pour continuer et la lutte sera impitoyable pour ceux qui veulent ramer à contre-courant. Yes, we can !

 

 

 

 

 

1 : Extrait pris sur Wikipédia.

2 : Faire prendre conscience et faire avouer aux défenseurs de la langue française qu'ils ont détruit toutes diversités linguistiques au nom de principes communs.

3 : Discours tenus par les protagonistes de la mondialisation afin d'influencer les populations à un changement.

 

Autre article : Yes, I want bilingual kids

 

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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 15:30

Les Pirahãs, une tribu pas comme les autres.

Schoeller_PirahaGrid.jpg

 

J'avais écrit un article intitulé « Tu fais rire les poissons » sur la traduction d'expressions acadiennes et un nouveau titre m'est venu à la lecture d'un article sur le peuple qui rit tout le temps: « Pas de poisson à manger, alors je ris ». Je pouvais tout autant choisir un titre plus dramatique et plus accrocheur : « La langue du bonheur, va-t-elle disparaître ? ».  Mais quand des scientifiques en arrivent à penser que les Pirahãs, tribu d'à peine trois cents personnes vivant dans la forêt amazonienne au Brésil, "sont des Martiens !", j'avais enfin trouvé mon titre.

Pensez à ceci un instant. Combien d'entre vous peuvent réellement rire quand nos besoins de base ne sont pas satisfaits ? Combien de personnes commencent à se fendre en deux quand elles se retrouvent à la rue parce que leur  maison a été reprise par la banque ? Combien de personnes rient quand elles n'ont pas assez à manger pour le dîner ?

Et bien les Pirahãs, eux rient de tout. Ils rient de leur propre malheur. Quand une hutte se fait souffler lors d'une tempête de pluie, ses occupants sont ceux qui rient encore plus fort. Ils rient quand la pêche est fructueuse ou quand il n'y a aucun poisson à attraper. Ils rient quand ils sont rassasiés ou quand ils ont faim... Ils rient pour tout et de tout. N'oublions pas que le rire est souvent le moyen le plus sur de désacraliser un événement, de dédramatiser une situation mais aussi de caricaturer une personne.  Alors sommes-nous parfois désinhibés dans nos sociétés occidentales ?

 

Petite tribu d'Amérindiens installée au cœur de l'Amazonie brésilienne, localisée près de la rivière Maici, les Pirahãs vivent à l'écart de toute civilisation, sans rien connaître du confort, ni des technologies modernes. Ils y mènent une vie de chasseurs-cueilleurs, dorment peu, passent leur temps à pêcher, communiquent avec des esprits invisibles et se fichent de savoir où ils sont situés sur cette Terre.

cartepiraha

 

Rien faire comme les autres... pour continuer à exister.

 

Cette façon d'appréhender le monde, Daniel L. Everett nous la fait partager dans son dernier ouvrage en version française « Le monde ignoré des Indiens pirahãs » (Don't sleep, there are snakes). Parti dans les années soixante-dix, avec femme et enfants, à la découverte du monde des Pirahãs, il passera au total plus de sept ans parmi eux. Sa vie et sa conception du monde s'en trouveront bouleversées. Car au-delà des charmes et des dangers de la forêt amazonienne, la véritable aventure de ce séjour est celle de l'altérité radicale. L'altérité est un concept philosophique signifiant « le caractère de ce qui est autre » ou la reconnaissance de l’autre dans sa différence, aussi bien culturelle que religieuse.

 

Selon Everett, les Pirahãs ne veulent rien faire comme les autres et rejettent toute idée étrangère pour conserver farouchement leur identité. Ils ont raison d'ailleurs, si vous faites comme les autres, en quelques générations, votre peuple disparaît. C'est aussi par ailleurs dans la différence culturelle et linguistique principalement qu'aujourd'hui un peuple se démarque d'autrui. Entrer dans la modernité demande un sacrifice énorme et continuer à perpétuer des traditions culturelles tout en adoptant un style de vie moderne n'est pas donné à qui veut. Les échecs de reconversion par de nombreux peuples dans ce domaine sont loi.

 

Libre de concepts de temps, de couleur, ou de spécifications quantitatives, l'esprit des Pirahãs semble avoir été figé dans le temps, laissant l'homme dans son état le plus simple, le plus primitif qu'il soit.

Quant à leurs mœurs, certaines vous laissent perplexes. Ces Amérindiens dorment indifféremment du jour ou de la nuit et jamais plus de deux heures. Ils cessent parfois de s'alimenter, ou de nourrir leurs enfants. Ils sont souvent affamés, non pas par manque de nourriture, mais par envie de s'endurcir (tigisái).

 

Son système de parenté est des plus basiques connus, les relations ne dépassent pas le cadre de la fratrie. Un seul mot, baíxi (pronuncé [màíʔì]), est utilisé pour désigner la mère et le père, et il semblerait qu'ils ne maintiennent aucun rapport plus éloigné que celui de frères et sœurs.

Quant à leur langue, nommée pirahã ou múra-pirahã, elle est absolument atypique.

 

Une langue qui les fait connaître aux quatre coins du monde

 

Dans un article précédent : La droite et la gauche n'existent pas !, j'y avais souligné que moins une langue a de locuteurs, plus elle est compliquée. Le tuyuca, de l'Amazone orientale, parlée par 800 personnes semble, selon les linguistes, être une des langues la plus difficile au monde. Ce qui est fascinant pour la communauté scientifique, c'est que dans ce cas, le pirahã présente des carastérisques linguistiques contraires en étant une langue des plus simples au monde.

 

Premièrement, les Pirahãs n'ont pas de système de numérotation, ils n'ont que trois mots pour désigner les nombres, "un" (employé comme nombre ou comme synonyme de "peu"), "deux" (synonyme de "davantage") et "beaucoup". Après quelques expériences simples d'apprentissage sur les chiffres et durant une période de huit mois, ils ont été incapables d'assimiler les notions les plus simples de calcul. Ils n'arrivaient pas à compter au delà des chiffres 8 ou 10.  En fait, les Pirahãs jugent les quantités variables par rapprochement, une poignée de graines équivaut à une autre poignée de graines.

De plus, ils ne disposent pas de mots pour désigner les couleurs, un cas semble-t-il unique au monde. Les concepts de guerre ou de propriété privée leurs sont étrangers. Ils ne savent pas conjuguer au passé (ils n'ont d'ailleurs pas de mythe des origines), ni combiner syntaxiquement deux énoncés.

 

Pour communiquer entre eux, ils utilisent parfois des chants, des fredonnements et des sifflements. Écoutez-les !

Ils n'ont pas de langage écrit, ni de mémoire collective remontant à plus de deux générations et ignorent les récits historiques ou mythologiques. Les Pirahãs changent souvent de nom pour éviter que les esprits ne s'en emparent. Difficile d'ailleurs, de désigner des personnages. On soupçonne que l'ensemble des pronoms, qui est également le plus simple des langues connues, a récemment été emprunté au Tupi-guarani. La langue pirahã n'en possédait point auparavant.

 

La langue des Pirahãs a encore d'autres particularités intéressantes. Limitée à huit consonnes pour les hommes, sept pour les femmes, et seulement trois voyelles, cela en fait la langue possédant le moins de phonèmes au monde.

Cette langue semble n'avoir aucune proposition relative, ni récurrence grammaticale. La construction des groupes nominaux est impossible. Le fait que les Pirahãs n'utilisent pas d'expressions récursives est selon les linguistes, la chose la plus fascinante. Autrement dit, ils n'insèrent pas d'expressions les unes dans les autres pour combiner des idées différentes afin de former une seule phrase simple. En d'autres mots, ils ne peuvent pas dire en une phrase : le fruit jaune qui dans l'arbre de ce coin de forêt est mûr. Cela prend plusieurs phrases pour exprimer cette idée et j'ajoute que la couleur  jaune n'existe pas. (Pas de notion de couleurs)

 

Pirahã Français

1- hi kahaı´ kaisai oba´a’a´

2- ʔakí, ʔakí toi kagáíhiaí kagi abáipí koái

gaí sibaibiababáopiiá
3- gaí sibaibiababáopiiá

4- ʔi kagi abáipísigíai gaí sii ʔísapikobáobiíhaí

5- tı´ ’ı´tı´i’isi ’ogiı´ ’oogabagaı´

6- hiaitı´ihı´ hi kaoa´ ı´bogi bai -aaga´

1- il flêche fabrique voir attractif (Il sait comment faire de belles flêches)

2- Là le jaguar a sauté sur mon chien et le chien est mort, il est arrivé en le respectant.

 

3- Là le jaguar a tué mon chien en sautant sur lui.
4- En le respectant, le jaguar a sauté sur le chien, je crois que je l'ai vu.

5- Je poisson gros veux (Je veux de gros/plusieurs/pile de poissons

6- Les Pirahãs il mauvais esprit peur (Les Pirahãs ont peur des mauvais esprits)

 

Le linguiste Daniel Everett qui a évalué environ 20 Pirahãs, a constaté qu'aucun d'eux n'a utilisé une clause récursive. Selon lui, le Pirahã parle et pense seulement en termes d'expériences directes.

« [Pour les Pirahãs,] les phrases … ne peuvent pas être prononcées de façon acceptable en l'absence d'une comparaison particulière d'animal ou certaines informations d'un animal spécifique à un chasseur spécifique. Autrement dit, quand de telles phrases sont utilisées, elles doivent décrire des expériences spécifiques, elles ne se généralisent pas à travers des expériences. Il est bien sûr plus difficile de dire que quelque chose n'existe pas que de montrer qu'elle existe vraiment, mais …

...dans ce contexte, et après presque trois décennies de recherche régulière sur le pirahã, cela m'amène à la conclusion qu'il n'existe pas de preuves solides de l'existence de quantificateurs dans la langue pirahã », écrit Everett en 2005 (Current Anthropology, Cultural Constraints on Grammar and Cognition in Pirahã)

 

Ces enregistrements sont en anglais mais prêtez-y une oreille attentive. Je suis assez admiratif à l'écoute de tels propos.

 

 

 

 

En espérant qu'ils restent éloignés le plus longtemps possible de nous... C'est de cette façon que nous en apprendrons aussi le plus sur nous-mêmes par comparaisons.

 

Quelques petites remarques sur la diversité linguistique qui diminue jour après jour.

 

Pas besoin d'être un expert en linguistique pour savoir que Biodiversité = Diversité linguistique et que Communication = Peu ou pas de diversité linguistique.

 

Je voudrais reprendre les mots du philosophe québécois Jacques Dufresne : La diversité linguistique est donc notre trésor de savoirs élaborés par l'histoire, et notamment de connaissances sur la manière de maintenir et d'utiliser durablement certains des environnements les plus vulnérables et les plus variés biologiquement du monde. Si, au cours du siècle à venir, nous perdons plus de la moitié de nos langues, nous compromettrons aussi gravement nos chances de vie sur la Terre. De ce point de vue, favoriser la santé et la vigueur des écosystèmes est un objectif qui se confond avec celui qui consiste à favoriser la santé et la vigueur des sociétés humaines, leurs cultures et leurs langues. Nous avons besoin d'aborder la crise environnementale de la planète selon une approche bioculturelle intégrée.


Puisque qu'une image vaut mille mots et bien voici une carte qui traduit cette simple équation.

biodiversite

 

 

 

Liste des 208 prochaines langues qui vont disparaître.


En exclusivité, voici la liste des 208 prochaines langues qui vont disparaître dans très peu de temps. En effet, chacune de ces langues n'a pas plus de 10 locuteurs. Certaines ont déjà disparu.

 

Abaga, achumawi, agta d'Isarog, akuntsu, aleut (occidental,  îles du Commandeur), aleut de l'île Copper, anambé, andoa (Pérou), apache mescalero-chiricahua (Oklahoma), apiaká, arabana, araki, arara-shawanawa, arho, arikapu, arikara, ata, atsina (gros ventre), auishiri (tekiraka), aurê-aurá, aveteian, awacatèque (Mexique), ayapanec, ayizi, ayuru, baagandji, baldamou, bangsa, baré (Brésil), belom,  mapor, bikya, bishuo, bonerif, bung, busuu, canichana, cayuvava, ch’orti' (Honduras), chamicuro, chaná, chemehuevi, chung (Thaïlande), cocama-cocamilla (Brésil), coeur d’Alene, dampal, dharawal, diahói, diegueño du nord, dumi, dyirbal, enets de la toundra, ganggalida, gelao aqaw, grand andamanais, guarasu, guató, guranalum, gweno, holikachuk, hoti, hulung, ibu, iduh (Viet Nam), irantxe-mynky, itonama, juma, kadjerong, kaixana, kalispel, kamarian, kamilaroi, kanoê, kaparajá, karadjeri, karaïm (Ukraine occidentale), karipuna (ne pas confondre avec le créole à base lexicale française qu'est le karipúna, toujours au Brésil), katawixí, kawaiisu, kayardild, kiksht, kiowa apache, kirghiz de Mandchourie, klallam, konkow, korana, krenák, kujubim, kunjen, kurrama, kuruáya, kuuku-ya'u, lae, lardil, laua, lemerig, Lengilu, liki, lorediakarkar, luiseño, luri, lushootseed, mabire, madnegele, maidu, makolkol, malak-malak, mandan, mandchou (Amour), mandchou (Nonni), mangarayi, mansim, maridjabin, massalat, matanvat, matipu, mawayana (Brésil), miwok de la Sierra centrale, miwok de la Sierra du nord, miwok de la Sierra méridionale, miwok du lac, mondé, munichi, munsee (Canada), n|uu, naati, naman, nasarian, navwien, ndai, ngalakan, ngandi, ngardi, ngarluma, ngbinda, nivat, niviar, njerep, nusa laut, olrat, oneida (New York), oneida (Wisconsin), ongota, onondaga (New York), oro win, osage, ouïghour uryangkhai, ouma, paiute du nord (Idaho), parintintín, patwin, paunaca, pawnee, pazeh, pémono, pomo central, pomo du nord, pomo du sud, poyanawa, puari, puruborá, rembaranga, resigaro, saami ter, sabanê, sambe, saponi, selkoupe meridional, selkup central, sene, sorsorian, sowa, spokane, susuami, taap, taje, tanema, tape, taushiro, tehuelche, thao, tharkarri, tinigua, tolowa, totoró, tubatulabal, tuscarora (États-Unis), tuzantec, ura, uru, vano, volow, waanji, wangaaybuwan, wichita, wintu-nomlaki, worrorra, wunambal, xetá, xipaya, yahgan, yarawi, yawalapiti, yiiji, yokuts de Tule-Kaweah, yokuts kings river, yuchi.

 

 

 

Références

Tout ce que vous voulez savoir sur le pirahã sur le site de Daniel Everett,

* « Le monde ignoré des Indiens Pirahãs » de Daniel Everett, Flammarion, 2010, 357 pages, ISBN : 978-2-08-121146-9 ou la version anglaise Don’t Sleep, There are Snakes: Life and Language in the Amazonian Jungle.

* Bamgbose, Ayo (1993). Deprived, Endangered, and Dying Languages. Diogenes. No.161. 41.1, 19-25.
* Bamgbose, Ayo (2000). Language and Exclusion. Muenster, Hamburg, London: LIT Verlag.

Politiques nationales : le rôle des langues transfrontalières et la place des langues de moindre diffusion en Afrique

* The Pirahã people: Defiance of linguistic laws

 

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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 09:11

Ayant trouvé par hasard Atlas of true name, un atlas du monde qui révèle les racines étymologiques, des significations historiques ou des termes familiers sur les cartes d'aujourd'hui, et ce en langue anglaise, j'ai voulu faire de même avec la province du Québec.

Dans cette carte réalisée ci-dessous, je mets surtout l'accent sur une toponymie autochtone très riche, qui reflète souvent soit le lieu topographique, soit qui relève d'une histoire. Vous serez surpris, tout comme moi, de découvrir notre coin de pays sous un nouveau jour. Comme je dis souvent : «quand les perspectives changent, notre approche aux choses change aussi».

 

Nota

 

J'ai noté une chose intéressante, s'il y avait bien un nom de village surprenant, c'est bien celui de Quaqtaq, village inuit, qui signifie « Ver intestinal ». Jusqu'au début des années 1930, l'endroit était connu sous le nom de Nuvukutaaq (la longue pointe). Toutefois, selon les histoires que l'on raconte encore aujourd'hui, un homme serait un jour venu dans la région pour chasser le béluga et aurait trouvé des parasites vivants dans ses selles. Ses compagnons de chasse auraient alors donné le nom de Quaqtaq (ver intestinal) à l'endroit et l'utilisation de cette nouvelle appellation se serait rapidement répandue.

 

Quant au plus long toponyme amérindien officiel du Québec, situé à environ 200 km au nord de Sept-Îles, il s'agit du ''Portage Kamushkuapetshishkuakanishit''. Comportant 28 lettres, il signifie : «quand on passe par ce portage, on s'accroche les pieds dans les racines».

 

Une histoire toponymique amérindienne rayée à coup de ..... crayon

 

Le géographe Eugène Rouillard publia en 1909, un article assez célèbre intitulé : «L'invasion des noms sauvages». On déclara donc la guerre aux toponymes autochtones et, en conséquence, la nomenclature amérindienne du Québec a payé largement son tribut à une politique d'élimination parfois systématique. On estime que des 15000 toponymes autochtones qui meublaient encore les cartes géographiques du Québec au siècle dernier, 80% ont été éliminés de la nomenclature géographique officielle

 

Aujourd'hui, les données statistiques témoignent sans équivoque de la progression constante de la toponymie autochtone au Québec au cours des 25 dernières années. À la publication du Répertoire géographique du Québec, en 1969, les noms de lieux autochtones étaient au nombre de 1560 et représentaient 4,70% de la nomenclature officielle. En 1995, 10964 d'entre eux étaient officiels et représentaient 9,78% des toponymes officiels.

 

Espace québécois et expression toponymique

 

Selon Jean-Yves Dugas dans « L’espace québécois et son expression toponymique » ...le paysage toponymique québécois s'est meublé peu à peu au fil des générations de dénominations reflétant tantôt les modes de vie des premiers occupants tantôt le bagage historico-mental de ceux qui ont colonisé ce coin de terre si particulier du continent nord-américain. Ce langage, primaire affirmerions-nous, de la toponymie véhicule des éléments et des caractéristiques de nature et de valeur très différente avec ses inexactitudes géographiques, ses déformations signifiantes ou involontaires, ses répétitions homonymiques, mais aussi ses éclairs poétiques et sonores à nul autre pareils, ses appellations de bonne frappe, ses identifications pertinentes et motivées. Quel que soit le jugement global que l'on puisse porter sur la toponymie du Québec, celle-ci demeure avec ses grandeurs comme ses misères, ses trouvailles comme ses erreurs, le miroir fidèle de l'histoire d'un peuple particulier et à ce titre, mérite considération et respect.

 

Selon l'auteur, il existe trois univers toponymiques distincts, à savoir quelques modalités dénominatives chez les Inuits, les Amérindiens et les Blancs du Québec. La perception de l'espace et sa transposition toponymique chez les Amérindiens du Québec présentent une certaine similitude avec celle des Inuits. Vivant très près de la nature, se livrant aux activités de chasse et de pêche, appelés à se déplacer fréquemment, ne disposant que de la tradition orale, ceux-ci ont attribué aux liens qu'ils parcouraient des noms fleurant bon le bois et l'eau, très près de leurs préoccupations existentielles pérégrinatoires ou alimentaires.

 

Cliquer sur la carte pour agrandir

Certains lieux peuvent avoir une autre définition mais j'ai pris la plus reconnue

 

Cliquer sur la carte pour agrandir

 

Dugas pense que le langage toponymique amérindien demeure très près de la nature qu'il exprime directement ou de façon périphrastique (là où ...). À l'inverse de l'inuktitut et possiblement en raison de l'homogénéité et de la finitude des contrées parcourues, la transposition spatiale apparaît comme très précise, ponctuelle (bout, jonction, poste, confluent) sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir des infixes localisateurs. Faisant sporadiquement appel à des images (mamelle, emmuraillé), cette toponymie dénote un univers mental et réel sensiblement plus complexe et dont les constituants se démarquent davantage de leur milieu environnant. Univers utilitaire, l'espace est surtout perçu dans l'optique de la prosaïque satisfaction des besoins alimentaires où l'animal gibier tient une place prépondérante sans toutefois négliger le vocable formellement évocateur.

 

Si les appellations autochtones attribuées aux lieux qui peuplent l'espace des premiers habitants du Québec sont marquées au coin de leur nomadisme, centrées sur la nécessité de repérer avec précision les territoires de chasse ou de migration, la toponymie superposée dans certains cas ou imposée dans d'autres par les colonisateurs ou les occupants blancs d'origine européenne véhicule une saisie de l'espace toute pétrie des relents d'une culture plus élaborée, moins près dans l'ensemble de la nature extérieure.

 

Liste des toponymes cartographiés sur ma carte

 

Villes

Akulivik Pointe centrale d'un trident  Inuktitut
Amos Porter Hébreu
Amqui Là où les eaux s'amusent Micmac
Arthabaska Là où il y a des roseaux, du jonc Algonquin, cri
Aupaluk Là où c'est rouge Inuktitut
Brome-Missisquoi Herbe-Grosses femmes Anglais + Algonquin
Causapscal Pointe rocheuse Micmac
Cayamant Porc-épic Algonquin, cri
Chibougamau Lieu de rencontre Cri
Chicoutimi Jusqu'où c'est profond Cri, Tête-de-boule
Chisasibi Grande rivière Cri
Dolbeau-mistassini Jean Dolbeau-Grande roche Français-Innu-aimun
Ekuantshit (Mingan) Humain Innu-aimun
Escuminac Poste d'observation Micmac
Essipit (Les Escoumins) Rivières aux coquillages Innu-aimun
Gaspé Lieu ombragé Basque
Hochelaga À la chaussée des castors Iroquoi
Inukjuak Le géant Inuktitut
Ivujivik Lieu où l'on est pris par les glaces qui dérivent  Inuktitut
Jonquière Jacques-Pierre de Taffanel de la Jonquière Français
Kahnawake Au rapide Iroquoi
Kamouraska Étendue de foin, joncs Micmac
Kangiqsualujjuaq La très grande baie Inuktitut
Kangiqsujuaq La grande baie Inuktitut
Kangirsuk La baie Inuktitut
Kawawachikamach Rivière venteuse Naskapi
Kazabazua Courant caché, souterrain Algonquin
Kuujjuaq La grande rivière Inuktitut
Kuujjuarapik Petite grande rivière Inuktitut
La Romaine (Unamen Shipu) Ocre rouge Innu-aimun
La Sarre Régiment de Montcalm Français
La Tabatière Sorcier Innu-aimun
La Tuque  Colline Français
Lac-Mégantic Gros bois, gros arbre Algonquin
Macamic Castor boiteux Algonquin
Magog Vaste étendue d'eau, grand lac Abénaqui
Malartic Anne-Joseph-Hippolyte de Maurès de Malartic Français
Maliotenam Ville de Marie Innu-aimun
Maniwaki Terre de Marie Algonquin
Mashteuiatsh (Pointe-Bleue) Là où il y a une pointe Innu-aimun
Matagami Rencontre des eaux Cri
Matane Vivier de castors Micmac
Matimekosh (Schefferville) Petite Truite Innu-aimun
Mistissini Grosse roche Cri
Montmagny Charles Jacques Huault de Montmagny Français
Montréal Mont Royal Français
New-Richmond Nouveau mont riche Anglais
Nominingue Celui qui graisse Algonquin, cri
North Bay  Baie du Nord Anglais
Nutukuan (Natashquan) Là où l’on chasse l’ours Innu-aimun
Oka Poisson doré Algonquin
Pakua Shipi (St-Augustin) Rivière de sable Innu-aimun
Percé Rocher Percé Français
Péribonka Rivière creusant le sable Algonquin, cri, Tête-de-Boule
Pessamit (Betsiamites) Lieu où il y a des sangsues ou des lamproies ou anguilles de mer Innu-aimun
Puvirnituq Ça sent la viande pourrie Inuktitut
Quaqtaq Ver intestinal Inuktitut
Québec  Passage retréci Algonquin, cri et micmac
Radisson Pierre-Esprit Radisson Français
Rimouski Terre à l'orignal /  cabane à chien Micmac
Ristigouche Longue guerre Micmac
Rouyn-Noranda Rouyn Nord Canada Français
Salluit Les gens minces Inuktitut
Shawinigan Portage en pente Abénaqui
Sherbrooke Ruisseau clair Anglais
Tadoussac Mamelles ou rochers arrondis Innu-aimun
Tasiujaq Qui ressemble à un lac Inuktitut
Trois-Rivières Trois chenaux de la rivière Saint-Maurice Français
Uashat (Sept-Îles/Moisie) Grande Baie Innu-aimun
Umiujaq Qui ressemble à un bateau Inuktitut
Val d'Or Vallée de l'or Français
Wapanoutauw / Eastmain Terres à l’est de la Baie James Cri
Waskaganish Petite maison Cri
Wemindji Montagne ocre rouge Cri
Whapmagoostui Rivière du beluga Cri
Yamaska Étendue de joncs Cri

 

Régions, provinces, pays

 

Abitibi Partage des eaux Algonquin
Acadie Terre fertile Micmac
Akimiski Rouge pays Algonquin
Anticosti L'avant-terre Micmac
Appalaches Tribu des Apalchen Langues muskogéennes
Baie d'Hudson Baie d'Henry Hudson Anglais
Baie James Capitaine Thomas James Anglais
Canada Village, bourgade, groupe de tentes Iroquois
Charlevoix Pierre-François-Xavier de Charlevoix Français
Labrador Travailleur Latin
Laurentides Laurent de Rome Français
Maine Pays des Cénomans Français
Manicouagan Vase à boire, verre, tasse Cri
Maskinongé Brochet difforme Algonquin
Massachusetts Proche des grandes collines Algonquin
Matapédia Jonction de rivières Micmac
New Hampshire Nouveau comté de village Anglais
New-York Nouveau if-Arbre village Anglais
Nouveau-Brunswick  Nouveau Bruno Wik (lieu où les marchands se reposent et entreposent leurs biens) Germanique
Nova Scotia Nouvelle-Écosse Latin
Nunavik L’endroit où vivre Inuktitut
Nunavut Notre pays  Inuktitut
Ontario Lac magnifique Ojibwe
Ottawa Ville de marchants Ojibwe
Saguenay Son embouchure, sa sortie / D’où l’eau sort Algonquin, Innu-aimun
Témiscamingue Dans l'eau profonde Algonquin
Témiscouata Lac profond Micmac
Terra Nova Terre-Neuve Latin
Toronto Où les arbres s'élèvent dans l'eau Mohawk
Ungava Le plus loin Inuktitut
Vermont Monts verts Français

 

 

Voici celle de la France en anglais,

mais c'est très approximatif, voire même farfelu parfois.

 

Francetruenames.jpg

 

À lire : 

L'écriture des toponymes au Québec

Commission toponymique du Québec

Quelques toponymes intéressants au Québec

La toponymie autochtone au Québec. Bilan et prospective

 

 

 

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20 septembre 2010 1 20 /09 /septembre /2010 05:07

Cet article est une traduction presque complète de MAPES «RACIALS», ÈTNICS I LINGÜÍSTICS DELS SEGLES XIX, XX I XXI sur le blog de Rafael Company. Merci pour son magnifique travail de recherche.


Voici donc une série de cartes ethnographiques de l'Europe de 1846 à 2010. Ce qui est intéressant de constater, c'est que les débats actuels qui font polémiques chez les ethnologues ou ethnographes sont visibles par comparaison d'une carte à l'autre. Aucune carte n'est pareille, ce qui prouve que l'interprétation cartographique est avant tout une perception personnelle ou le choix délibéré basé sur certains critères.

 

Indépendamment de sa précision croissante, la cartographie, et l'ethnographie en particulier, est toujours régie par un principe de sélection des informations représentées, pour les besoins d'un commanditaire et/ou en fonction d'un public.

La cartographie est ainsi aussi un instrument idéologique et politique, dont l'impact sur les consciences, pour être discret, est souvent considérable. La subjectivité des cartes est facilement révélée par l'étude critique et comparative des Atlas géographiques. Philippe Rekacewicz la résume ainsi : « La carte géographique n'est pas le territoire. Elle en est tout au plus une représentation ou une « perception ». La carte n’offre aux yeux du public que ce que le cartographe veut montrer. Elle ne donne qu'une image tronquée, incomplète, partiale, voire trafiquée de la réalité. »

Cela reste tout de même une certaine réalité.



 

ethno01.jpg

1846: «Europa nach Völker und Sprachgraenzen»... publié dans Spruner's Historisch-Geographischer hand-Atlas, 1846. Carte en acier gravée à la main. Taille 41 x 32.5 cms 

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ethno02.jpg

1847: «Ethnographische Karte von Europa», by Heinrich Berghaus, from 1847. Ethnographische Karte von Europa. Auf F.v. Stulpnagel's geogr. Feichnung Zusammengestellt von Potsdam Im Marz 1845; im Stich vollendet November 1846, von Madel II in Weimar. Gotha, bei Justus Perthes. 1847. Dr. Heinrich Berghaus' Physikalischer Atlas oder Sammlung von Karten, auf denen die hauptsachlichsten Erscheinungen der anorganischen und organischen Natur nach ihrer geographischen Verbreitung und Vertheilung bildlich dargestellt sind ... 1845. Verlag von Justus Perthes in Gotha ... 1848 ...

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ethno03.jpg

1855: «Uberlicht von Europa mit Ethnograph» ... (carte ethnographique d'Europe) publié dans Dr. Heinrich Berghaus' Physikalischer Atlas, Gotha, 1855 (carte éditée en 1855.)  Carte en acier gravée à la main. Taille 42 x 31.5 cms

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ethno19.jpg1856: «Distribution of Man in Europe according to Language» par Alexander Keith Jhonston, 1854.
Selon des caractéristiques morales et statistiques montrant la répartition géographique de l'homme, selon la croyance religieuse, avec les principales stations de la mission protestante au milieu du 19e siècle. Par Keith A. Johnston, F.R.S.E. Gravée et imprimée en couleurs par W. & A.K. Johnston, Edimbourg. William Blackwood & Sons, Edimbourg et Londres. 1 mai 1854. (1856).

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ethno04.jpg

1848 (1860): «Carte Ethnographique de l'Europe» ... 1848 par Louis Dussieux, publié dans l'Atlas Général de Géographie ..., 1860. Carte en acier gravée à la main. Taille 39.5 x 30 cm

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ethno05.jpg1860: Ethnographical map of Europe. George Virtue

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ethno21.jpg

(cliquez sur cette carte)

1881:  «Völkerkarte von Europa. (with) Sprachgebiet der Basken. (with) Sprachgebiet der Bretonen. (with) Die Sprachgrenzen in Sud-Tirol. (with) Die Flamische Sprachgrenze in Belgien». (Richard Andree. Herausgegeben von der Geographischen Anstalt von Velhagen & Klasing in Leipzig. 1881).Títol complet de l'atlas: Richard Andree's Allgemeiner Handatlas in sechsundachtzig Karten mit erlauterndem Text. Herausgegeben von der Geographischen Anstalt von Velhagen & Klasing in Leipzig. Bielefeld und Leipzig, Verlag Von Velhagen & Klasing 1881.

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ethno22.gif1889: Cultures and Races of Europe (Cultures et races de l'Europe)

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ethno06.jpg
1895: «Ethnographic map of Europe. (with) District of the Basque language. (with) District of the Breton language. (with) Boundaries of languages in the South-Tyrol. (with) The limits of the Flemish language in Belgium». (Published at the office of "The Times," London, 1895).

Richard Andree from 1895 The Times atlas. Containing 117 pages of maps, and comprising 173 maps and an alphabetical index to 130,000 names. Published at the office of "The Times," Printing House Square, London, E.C. 1895. (colophon:) Cassell & Company. Limited, Belle Sauvage Works, London, E.C.

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ethno23.jpg
1899: Joseph Deniker (La race nordique)

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ethno07.jpg
1906: Vereinigte Germanische Staaten von Europa (États germaniques unis de l'Europe)
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ethno08.jpg

1907: «Folk-och språk-karta öfver Europa» (Peuples et carte linguistique de l'Europe) : Le Nordisk familjebok est une encyclopédie suédoise publiée entre 1876 et 1957. Dans les années 1990, l'Université de Linköping a commencé le projet Runeberg, ayant pour but d'établir des copies numériques de vieux imprimés nordiques, tout comme le projet Gutenberg vise à le faire pour la littérature anglaise. En 2001, la technologie était suffisamment améliorée pour permettre une numérisation à grande échelle de l'encyclopédie complète par la numérisation en reconnaissance optique de caractères. L'ensemble des 45 000 pages a donc été scanné. Il est accessible au public sur la page Web Runeberg.

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1914:  Verbreitung der Deutschen - Die Völker Europas (Peuples d'Europe)

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ethno24.jpg
1916: The Passing of the Great Race, 1916 (publié en français en 1926 chez Payot sous le titre de Le déclin de la grande race et préfacé par Georges Vacher de Lapouge), réédité aux Éditions de L'Homme Libre, 2002

Auteur du célèbre livre Le déclin de la grande race (The passing of the Great Race - 1916), ses idées racistes sur les Indo-Européens ont fortement influencé les dirigeants nazis Alfred Rosenberg et Adolf Hitler. Dans cet ouvrage, Grant magnifie la théorie du Nordique incarnant «l'homme blanc par excellence», que ce soit des Anglais, des Scandinaves, des Allemands ou des « nobles Russes ». Il oppose la « race alpine » et la « race méditerranéenne », qui souffre de métissages divers avec les peuples négroïdes, à la race nordique : « Le Nordique est dominateur, individualiste, confiant en lui-même et jaloux de sa liberté politique et religieuse. Il s'ensuit qu'il est généralement protestant. »

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1920: «Europe Racial & Linguistic» (The Peoples Atlas), London Geographical Institute

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ethno11.gif
1921: «Natural Political Map of Europe». H. G. Wells, The Outline of History (New York, NY: The Macmillan Company, 1921) 921
http://etc.usf.edu/maps/galleries/europe/regional/index.htm

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ethno25
1922: «Ethnography [of Europe]» par Bartholomew, J. G. (John George), 1860-1920 ; J

ohn Bartholomew and Son from 1922 Europe - physical features & population.

The Edinburgh Geographical Institute, John Bartholomew & Son, Ltd. "The Times" atlas. (London: The Times, 1922).

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1929: «Europa etnografica» par Touring club italiano from 1929 Atlante internazionale del Touring club italiano. (3. ed.).

170 tableaux, 130 cartes partielles. Opera écrite et interprétée dans le Bureau de la carte TCI sous la direction de L.V. Bertarelli, O. Marinelli, P. Corbellini. Milan.

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ethno13.jpg
s/d. (1933-1938): Rassenkarte von Europa
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ca. 1935: Lessons in Race Politics at a Hitler Youth Leadership School
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1935: Schautafel: Bilder deutscher Rasse 1um 1935 Farboffset 95,5 x 75,2 cm DHM (Deutsches Historisches Museum), Berlin Do2 93/437
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 ethno14.jpg

1942-1943 : The Races of Europe

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ethno261973: Diercke-Weltaltlas, begründet von C. Diercke, fortgeführt von R. Dehmel, Brunswick 1973, 176 (88 d. Neubearbeitung), S. 85.

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1997: Présenté par l'Alliance radicale européenne est un ancien groupe politique du Parlement européen, fondé en 1994 à la suite du succès de la liste Énergie radicale conduite en France par Bernard Tapie. Aux 13 députés français se sont joints 6 autres députés régionalistes ou radicaux élus en Italie, en Espagne, en Belgique et en Grande-Bretagne. Présidée par Catherine Lalumière, l'ARE n'a pu être reconduite après le renouvellement du Parlement européen de juin 1999.
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Agrandir cette carte ( Consello da Cultura Galega)

 

 

2001: Carte créée par Yuri B. Koryakov.

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2003: Distribution of Romance languages in Europe
On nomme langue romane toute langue issue essentiellement du latin vulgaire (au sens étymologique de « populaire »), c'est-à-dire la forme de latin vernaculaire utilisée pour la communication de tous les jours, par opposition au latin classique et littéraire. Ce sont des langues indo-européennes basées sur le latin.
http://media-2.web.britannica.com/eb-media/42/2042-004.gif et en détail ici



●2004: Observatoire indépendant d'information et de réflexion sur le communautarisme, la laïcité, les discriminations et le racisme.

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●2004: The European languages. Le portail des Nations sans État et des peuples minoritaires en Europe (minorités nationales, culturelles et linguistiques, peuples autochtones, groupes ethniques, territoires à forte identité et à tendances autonomistes, indépendantistes ou séparatistes)

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Maintenant: Peuples minoritaires européens.

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 ethno18.jpg

 

 


«Simplified linguistic map of Europe»,  Languages of Europe de Wikipedia
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Voir aussi:

Carte géographique anciennes

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8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 08:34

 

Simpsons.pngIntroduction


D'un point de vue ethnolinguistique, une des quatre branches principales de l'anthropologie, je me posais la question suivante : Les Simpson sont-ils plus proches des Français ou des Z'Américains ?

 

Si l'on compare la diversité ethnique des Simpson avec celle de la France métropolitaine, Geeez, mais c'est presque la même affaire (Voir les 5 répartitions graphiques ci-dessous). En fait la représentation des différents groupes ethniques en pourcentage de la ville de Springfield ressemble de beaucoup à celle de la France. Mais alors pourquoi toute la diversité américaine n'a-t-elle pas été respectée chez les Simpson ? Pourquoi sont-ils tous jaunes ?

simpsonspacman

Selon le créateur David Silverman, les Simpson ont été coloriés en jaune car il fallait que les cheveux de Bart, Lisa et Magie soient confondus avec le visage. Une des raisons qui a poussé Gyorgi Peluci (celui qui a choisi la couleur de la peau) à confondre le visage et les cheveux est que le front de Bart est très grand et il valait mieux que ça ne se voit pas. La seconde explication est que cette couleur a été choisie afin d'attirer l'attention des spectateurs et comme le jaune coûtait moins cher, celui-ci a été définitivement adopté par la production.

Voilà, j'ai répondu à la seconde question, cependant, je n'essaierai pas de répondre à la première avec une pirouette à la façon de Katty, je cherchais plutôt à parler d'un sujet connexe mais avec une introduction un peu humoristique. Je ne prétends surtout pas détenir la vérité, mais plutôt à défricher  sauvagement un sujet très débattu de façon informelle, étudié, mais peu ou pas analysé scientifiquement par manque de statistiques.

 

 

À la recherche de statistiques ethniques


Ce qui m'intéresse ici, c'est de connaître les Français de nationalité dans leur diversité ethnique et vivant en France métropolitaine. Et puis pourquoi est-ce un sujet à éviter dans ce pays pas si multiethnique en pourcentage comparé au nombre impressionnant de nations ayant de très fortes minorités ? Sans aucun doute, les brassages entre Français et autres Européens durent depuis des siècles et ont façonné la France, mais une immigration récente venue d'ailleurs semble poser problème si l'on en croit même les médias.

J'avais envie d'y mettre mon nez car d'un point de vue éthique, cela sent plutôt mauvais, exactement comme notre fameuse commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (CCPARDC). Plus connue sous le nom de la Commission Bouchard-Taylor dont voici le Best of avec quelques extraits. (C'est vraiment trop drôle)

 

D'abord il faut savoir qu'en France, le Conseil constitutionnel a invalidé l’article 63 relatif aux « statistiques ethniques », comme tel qui est contraire à l’article 1er de la Constitution disposant que : « La France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » Il a déclaré que les traitements nécessaires à la conduite des études sur la mesure de la diversité des origines peuvent porter sur des données objectives mais ils ne peuvent pas reposer sur l’origine ethnique ou la « race ». (J'ai trouvé ça sur Internet)

 

Mais alors dites-moi en quoi les statistiques raciales ou sur la provenance ethnique peuvent être un danger pour une société ?

 

Les inégalités raciales, la pauvreté, les différences de classes entre autres existent aussi bien en France qu'ailleurs.

Que vous viviez dans une société très multiethnique comme ici au Canada ou peu multiethnique comme l'Islande (Les Islandais représentent 96.5% de la population totale), tous les problèmes inhérents à une vie en société existent. Si la discrimination raciale, liée à la couleur de peau comme au Brésil ou selon le nom de la tribu comme au Rwanda, était hypothétiquement absente, on se rabattrait sur des discriminations autres, telles que : l'apparence physique, l'origine de la langue, l'accent, l'état de santé d'un individu (séropositivité), handicap mental ou physique, à l'orientation sexuelle, aux mœurs (fumer, boire, jouer, populations non sédentaires), au lieu d'habitation (quartiers difficiles), nationalité, orientations politiques, religieuses (très à la mode depuis le 11 septembre ou en Inde avec les castes), aux classes sociales ou à l'origine sociale, aux professions, à la pauvreté, à la culture de l'individu, à l'âge, au patronyme, l'état de grossesse …etc. Je pourrais continuer à allonger cette liste, la bêtise humaine étant sans limite, comme disait notre ami Einstein. Et puis, vous le savez déjà, les discriminations les plus diverses s'appliquent déjà depuis des siècles partout et par tous sur notre planète. Anyways, les hommes auront toujours le don de diviser les sociétés et de les hiérarchiser tant et aussi longtemps que la cupidité et la soif de pouvoir l'emporteront sur l'altruisme. Ooops, je m'emporte. En tout cas, les statistiques ethniques n'empêchent en rien la progression de l'assimilation / intégration des immigrés (Confère le Canada).

 

pacmanfrenchyEn résumé, trouver des statistiques fiables sur la diversité ethnolinguistique de France, comme celles faites aux États-Unis ou au Canada, est presque mission impossible sauf pour la Nouvelle-Calédonie où c'est autorisé.

Cependant je me suis essayé à créer un graphique qui se base sur la définition du Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie : "Tandis qu'en Allemagne, dans les pays slaves et dans l'Europe du Nord, les dérivés d'ethnos mettent l'accent sur le sentiment d'appartenance à une collectivité, en France le critère déterminant de l'ethnie est la communauté linguistique".

Le livre de David Levinson, "Ethnic Groups Worldwide", a ready reference Handbook, (de la page 27 à 33) fut un outil précieux car il reprend cette même définition et énumère les différents groupes ethniques. Ensuite, d'après les chiffres sur le nombre d'immigrants en 2005 publié par l'INSEE, sur les communautés linguistiques estimées sur Wikipédia, et différents recoupements, je suis arrivé à avoir un joli Pacman assez représentatif. Bien-sûr qu'il y a matière à discuter mais ce portrait ethnographique semble correspondre à une certaine réalité. Les français de souche sont très largement représentés.

 

Le graphique du haut représente une carte ethnolinguistique, champ qui analyse la relation entre la culture, la pensée et le langage et qui fait partie de la branche de l'anthropologie du langage. Le graphique ci-dessous est un graphique axé sur l'ethnologie, également nommée anthropologie socioculturelle, une autre branche de l'anthropologie qui est un champ d'études toujours en évolution, car très sensible aux changements toujours plus radicaux (sociologique) et parfois troublants qui secouent le monde. Il y a souvent un amalgame entre ethnolinguistique et ethnologie. Voir Anthropologie et critères ethnologiques

 

Je rajouterai que suite à la lecture de cet article et de cette vidéo sur Michèle Tribalat : "les pouvoirs publics relativisent l'immigration" et du blog de Philippe Bilger sur les propos d'Éric Zemmour : ''La part des étrangers dans la population française est restée stable depuis 1975 et même les années 1930 : 10 %. Chiffre invariablement brandi depuis trente ans. Chiffre indiscutable. .... C’est ainsi que l’on a agi depuis trente ans : aux cent mille étrangers, solde annuel entre les entrants et les sortants (deux cent mille depuis dix ans), sans tenir compte des irréguliers, ont correspondu autant de naturalisations.'',  il faudrait donc dans les deux graphiques peut-être enlever 8% de ''Français de souche'' pour y mettre une population immigrante et issue de l'immigration.

 

ethnicfrance.gif

Pourquoi aucune statistique ?

 

Selon Lévi-Strauss : "Analytique et descriptive, l’ethnographie correspond aux premiers stades de la recherche : c’est l’enquête sur le terrain et la collecte de données de toutes sortes sur une société particulière, aboutissant ordinairement à une étude monographique, circonscrite dans le temps et dans l’espace. L’ethnologie prolonge l’ethnographie et représente un premier effort de synthèse visant à des généralisations suffisamment vastes à un niveau régional (ensemble de sociétés voisines présentant des affinités) ou thématique (attention portée sur un type de phénomène ou de pratique commun à de nombreuses sociétés) pour que le recours à des sources ethnographiques secondaires en constitue le préalable obligé et la mise au jour de propriétés comparables, le résultat attendu. Plus rarement menée à bien, l’anthropologie représente le dernier moment de la synthèse : sur la base des enseignements de l’ethnographie et de l’ethnologie, elle aspire à produire une connaissance globale de l’homme en découvrant les principes qui rendent intelligible la diversité de ses productions sociales et de ses représentations culturelles au long des siècles et à travers les continents."

 

Alors la première question qui me vient à l'esprit de ce texte est :

Comment peut-on comprendre clairement et avoir une vue d'ensemble de la société française sans ethnographie ?

Et à qui donc profite le "crime", si je puis me permettre cette expression ?

 

usaethnolinguistic.gifPolitiquement, je pense que le premier objectif à long terme de ce manque de statistiques a pour but de conforter le concept de nation et de favoriser ainsi le groupe ethnique français qui se construit, se forge constamment, en constante évolution, et ce au détriment de toutes les autres composantes sociolinguistiques autochtones (Corses, Basques, Bretons, Catalans et Alsaciens) et socioculturelles des immigrants. Pour les autochtones ou minorités nationales, on veut de leur culture dite "régionale" mais pas de leur langue et pour les immigrants, c'est pire, on ne veut ni de leur culture, ni de leur langue. Quoique je trouve légitime et naturel que les enfants des immigrants parlent la langue de leur société d'accueil.

 

Une perception biaisée

 

Ce qui m'intéresse ici, c'est de savoir la proportion des Français dits de souche versus les Arabo-berbères. Mon constat le plus criant sur cette diversité est loin de l'idée ou des perceptions que je m'en faisais au départ. Est-ce à cause de mes préjugés ou de ce que les médias m'ont fait à croire ?

Dans les faits, les personnes d'origine arabo-berbère ne sont pas si nombreuses que ça. Les Beurs, Harkis, Algériens, Marocains et Tunisiens sont environ 3 millions (selon l'INSEE 1,5 million d’immigrés, soit 31 % des immigrés et 2,4 % de la population totale, sont originaires du Maghreb). Soit moins un Français sur 20. Alors que 35 % des immigrés et 2,7 % de la population totale étaient originaires d’un pays de l'Union européenne à 25. Selon Évelyne Perrin dans ''Identité Nationale'' : « Les personnes d'origine maghrébine y sont également au nombre de 5 à 6 millions ; 3,5 millions ont la nationalité française (dont 500 000 harkis)». La baisse progressive du nombre d’immigrés italiens, espagnols ou polonais est compensée par l’arrivée d’immigrés en provenance d’autres pays, en particulier le Royaume-Uni.

 

pacmanus-copie-1.gifPendant de nombreuses années, je pensais que la France avait beaucoup de gens originaires du Maghreb et était les États-Unis d'Europe..... mensonge et crap ! (Sauf pour l'équipe nationale de soccer, mais là, on passe d'un extrême à l'autre)

 

La sur-médiatisation et surexposition négative de cette population m'avaient laissé penser que leur nombre était plus significatif que ça. Intox et/ou désinformation !

 

Lorsqu'un jour, je suis tombé sur de sales statistiques ethniques, les bras m'en sont tombés : « Les renseignements généraux ont établi un profil type des principaux délinquants dans ces groupes, à partir de l’étude de 436 meneurs, recensés dans 24 quartiers sensibles. Parmi eux, 87 % ont la nationalité française ; 67 % sont d’origine maghrébine et 17 % d’origine africaine. Les Français d’origine non immigrée représentent 9 % des meneurs, selon les RG ».

J'étais content d'avoir enfin des chiffres, c'est toujours bon à savoir, même ceci.

 

2poids2mesuresSeulement, je ne suis pas dupe. Je remarque que l'État se permet d'éditer seulement des statistiques pour stigmatiser une partie de sa population avec des raccourcis comme immigration = délinquance, sans pour autant éditer tout autre genre de statistiques ethniques, c'est écœurant. Où sont les autres chiffres sur ces mêmes populations par rapport au taux de chômage, à la moyenne de diplômassion, sur leur degré d'intégration, leur niveau de vie, le salaire moyen, les délits de faciès. leur espérance face à l'avenir...etc. Deux poids, deux mesures. (ces types de statistiques existent, mais ils s'appliquent sur l'ensemble d'une population de quartier ou d'une municipalité)

 

Objectifs à court terme

 

À mon avis, il y a des politiciens qui veulent se faire du capital politique en sacrifiant une partie infime de la population, 3 millions chiffre à l'appui, pas 5 ou 10 millions comme on peut le penser. (Ne pas confondre musulmans et Arabes) . Ils veulent mettre tous les maux de la société qu'ils peuvent sur leur dos tout en donnant dans les médias une image négative disproportionnée.  Leur objectif est de focaliser l'attention du bon Français sur le mauvais Français (L'étranger de couleur ou de faciès différent pratiquant une mauvaise religion ou même les Roms qui ont une vie de nomade). Cette tactique qui consiste à trouver puis blâmer, condamner, fustiger un bouc-émissaire est vieux comme le monde. Le ''petit peuple'' peut se défouler de ses frustrations, ce n'est pas de sa faute, pas besoin de se remettre en question. Il pourra continuer à voter pour ceux qui lui servent son dessert d'ignominies.

uneplacepourvous.jpg

 

Cela permet surtout aux journalistes et aux politiciens de parler de problèmes liés à la violence, puis les sujets les plus importants pour l'ensemble de la population comme le chômage et la pauvreté sont occultés....par manque de temps d'antenne.

En France, aujourd'hui, on ne parle plus que de burqa, de niqab, de polygamie et autres stéréotypes pour camoufler une crise financière terrible, une augmentation d'un demi million de chômeurs français en un an, un pouvoir d'achat qui diminue sans cesse, des endettements ménagers trop nombreux et un État au bord de la faillite. Pendant ce temps, leurs gouvernants portent la responsabilité de cette stigmatisation ethnique, à la limite du frotti-frotta avec la xénophobie, mais toujours sans l'atteindre, quoique. Et les grands médias complices, de relayer.

Ça me fait penser à une phrase que j'aime souvent citer dans les conversations avec mes amis : Dans nos démocraties, un vrai journaliste est un journaliste qui est capable de poser toutes les questions, sauf les vraies. Sinon, il est viré pour incompétence.

 

Pour finir

 

Je veux finir comme j'ai commencé, c'est-à-dire par une note humoristique et sarcastique.

Nicolas Sarkozy a dit « La France, aimez-la ou quittez-la », et bien si vous vivez certaines discriminations en France, si vous êtes en bonne santé et possédez un diplôme, quittez la France car « Vous avez une place au Québec » ... Mais il me semble qu'ici aussi votre fort accent et votre complexe de supériorité seront vos nouvelles discriminations . On en perd une mais on en récupère une autre. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, même les discriminations.

mysuggardaddy

 

 

Tabarnac ! ou comme dit Bart Simpson Cowabunga !

Mais coudonc, personne ne s'en sort !

 

 

Un billet d'humeur et d'humour, incisif parfois mais sans queue ni tête.

 

Quelques lectures :

* Maudits Français ! (Site d'un Français vivant au Québec et ayant un regard critique et sociologique de notre société)

* L'emprise des médias sur la banlieue Julie Sedel cherche à mettre en évidence la contribution spécifique des médias à la fabrication et à la diffusion du stigmate attaché aujourd’hui à la banlieue et à ses habitants.

* Statistiques ethniques : Laetitia Van Eeckhout est-elle journaliste ou militante ?

 

 


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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 20:39

complexity.jpgLa lecture de Language Structure Is Partly Determined by Social Structure est très intéressante, car elle soulève une hypothèse vérifiée selon laquelle les plus grandes langues sont souvent les plus simples. Mais cela reste une hypothèse. J'espère que vous aurez le temps de survoler cette thèse ainsi que certains graphiques. Selon Rick Dale, un des deux auteurs : Notre hypothèse, soutenue par beaucoup d'études de cas précédents, tel que cité dans notre article, est conçu pour expliquer des tendances intéressantes avec plusieurs corrélations - pas d'expliquer l'ensemble de la diversité linguistique en elle-même ! (Voir mon article sur l'indice de diversité linguistique)

 

Une chose est en effet claire, et les linguistes le savent depuis fort longtemps, et ce en dépit des préjugés dans nos sociétés riches, que les personnes « vivant » avec des technologies primitives ne parlent pas avec des langues simples, bien au contraire. Les langues autochtones d'Amérique du Nord et du Sud sont les plus compliquées au monde, alors que celles d'Europe sont les plus simples. J’ai personnellement expérimenté l’apprentissage de l’algonquin et vous le confirme. Le français et l’anglais sont assez faciles si je les compare aux langues autochtones.

 

Alors POURQUOI quelques langues finissent-elles avec des fins de verbe, des déclinaisons qui montrent comment un nom est employé, des principes grammaticaux compliqués, alors que d'autres se fondent sur l'ordre des mots et sur le contexte ?

mandarine.jpgComme on peut le voir, la première catégorie tend à inclure des langues parlées par de petits groupes comme les isolats parlés en Amazonie ou sur l’île de la Nouvelle-Guinée (Voir ma carte sur les isolats et langues non classifiées). Quant à la seconde catégorie, elle inclut des langues comme l’anglaise et la mandarine.

 

Les chercheurs se sont demandés s’il y avait une corrélation entre la simplicité d’une langue et son rayonnement international ou régional. Beaucoup de règles grammaticales qui régissent une langue donnée et permettent de construire des énoncés reconnus sont, en termes linguistiques, « overspecified » (dans le sens de superflue). Par exemple, le « s » à l'extrémité des mots « des deux garçons » est superflu, puisque le mot « deux » démontre déjà qu’il y a plus d'un garçon concerné.

Ainsi, la théorie élaborée et mise de l'avant est la suivante : quand les adultes apprennent une seconde ou troisième langue, avec des capacités moindres comparées aux enfants pour qui l’acquisition est innée, les morceaux non obligatoires, non indispensables sont souvent mis de côté. Si vous parlez anglais aux États-Unis, le « She does » tend parfois à être remplacé par un « She do » sans que cela choque.

En effet, quelques linguistes ont simplement supposé que toutes les langues deviennent plus simples avec le temps, ou parce que peu de facteurs sociaux corrèlent avec la complexité (On ne reprend pas les gens qui font des fautes).

  v

À la Public Library of Science, Gary Lupyan de l'Université de Pennsylvanie et Rick Dale de l'université de Memphis ont trouvé avec leur thèse plusieurs évidences sur l'expansion des langues simplifiées. Ils ont pris 2236 langues dans l'atlas du monde, analysé les structures linguistiques, puis, ont recherché des corrélations avec le nombre de locuteurs de chaque langue, l’expansion géographique de chacune d’elles, et le nombre de langues proches. Ils ont recherché des corrélations avec la morphologie flexionnelle des langues, dans la plupart du temps, des préfixes obligatoires, des suffixes et autres types d'affixes qui sont placés au début d'une racine pour former un nouveau mot, et aussi dans différents mots qui donnent par la suite des significations spécifiques.

À l’évidence, ils ont trouvé qu'il y en avait moins dans les grandes langues. Leurs verbes varient moins avec la personne, l’endroit, le temps et ainsi de suite. Le mandarin, par exemple, n'a aucun passé obligatoire ; un mot supplémentaire peut venir après le verbe pour l'indiquer que l’action s’est produite dans le passé, ou ceci peut être laissé dans le contexte. En revanche, le Yagua, parlé au nord-ouest du Pérou, fait cinq distinctions obligatoires pour exprimer le passé. Les verbes au passé doivent montrer si l'événement s'est produit il y a quelques heures, un jour avant, une semaine, il y a un mois, et ainsi de suite.

 

sciencelangfam.jpg

Le nombre de locuteurs de chaque langue corrèle beaucoup mieux avec la complexité morphologique, qu’avec la répartition de la langue ou le nombre de langues qui lui sont proches.

Ceci semble logique parce qu'une langue ayant une large population de locuteurs a probablement déjà été apprise dans le passé par un grand nombre de personnes qui n’avaient pas cette dernière comme langue maternelle. Dans la même veine de ce raisonnement, une langue ayant beaucoup de langues proches aujourd'hui pourrait, plus probablement devenir plus simple dans l’avenir, si la langue poursuit son expansion. Il n'y a qu'à écouter les Philippins ou les Singapouriens pour s'en convaincre, leur anglais massacré est d'une pauvreté à faire frémir tous les amoureux de la langue de Shakespeare. Naturellement, les langues dans les familles partagent certains dispositifs particuliers, mais Lupyan et Dale ont constaté que leurs résultats étaient même plus probants et significatifs lorsque la famille et la région de langue ont été mises de côté.

 

En fait, tout ceci part de la question suivante, à savoir pourquoi les langues deviendraient-elles plus complexes ? Lupyan et Dale offrent plusieurs hypothèses. La première implique autant les adultes que les enfants. Même s'il est particulièrement difficile pour les adultes d’apprendre une morphologie complexe, cela peut malgré tout aider les enfants, car la redondance réduit le besoin de facteurs non-linguistiques pour la compréhension. (Las casas blancas indiquent trois fois à un enfant de langue espagnole qu'il y a de multiples maisons blanches.) Une autre hypothèse alternative est que la morphologie complexe améliore l'économie et la clarté de l'expression, quelque chose qui est souhaitable à condition qu'il ne soit pas trop difficile à apprendre. Une dernière possibilité est simplement que de plus petits groupes linguistiques transmettent plus fidèlement la grammaire à leurs enfants, enseignent les choses superflues ou pas, même s'il n'existe aucune utilité particulière.

 

Autres articles :

Language Is Not Just for Talking

Language doesn't influence our thoughts ... except when it does

When Language Can Hold the Answer

 

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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 08:16
aboriginal girlOoops, non, je ne vais pas vous parler de politique française, surtout pas, mais plutôt de particularités linguistiques très intéressantes.
Le monde est rempli de langues qui expriment des situations très particulières sous différentes formes syntaxiques ou grammaticales.
Dans la langue aborigène Kuuk Thaayorre, la droite et la gauche n'existent pas, les locuteurs du peuple Thaayorre utilisent plutôt les 16 points cardinaux. Par conséquent, les partis politiques français sont-ils à l'Est ou à l'Ouest ?
Dans ce petit texte ci-dessous, je m'attache à compiler quelques petits exemples anecdotiques connus, mais j'imagine que des milliers d'autres spécificités n'ont toujours pas été découvertes.

 

droitgauche.jpgL'algonquin, langue parlée par 2500 personnes au Québec et connue pour avoir une morphologie polysynthétique complexe, a plusieurs particularités dont celle d'être une langue qui organise le verbe en une série de quatre classes autour d'une polarité animée / inanimée» (les verbes sont transitifs ou intransitifs selon que les cas soient inanimés (table, couteau) ou animés (astres, animaux, arbres)). Une autre originalité de cette langue est le marqueur «direct-inverse» qui fait que, suivant la terminaison du verbe, la personne qui l'utilise est soit le sujet ou l'objet de l'action. C'est une explication des linguistes faite seulement au XIXe siècle, car même si des personnes d'origine européenne parlaient la langue et avaient décrit les principes grammaticaux de l'algonquin dès le XVIIe siècle, ils n'avaient pas expliqué les fondements de cette inversion.

Une autre singularité de l'algonquin est sa hiérarchie pronominale où la deuxième personne (tu) exclut la première personne (je) qui à son tour exclut la troisième personne (il, elle, on) [2>1>3] (Exemple : Tu frapper (terminaison A)= tu me frappes / Tu frapper (terminaison B) = je te frappe donc le «tu» l'emporte toujours sur le «je»). De plus, si l'on parle de deux personnes, il existe une hiérarchie entre elles ou une obviation (Exemple : Joe aime Sandra, Joe étant le sujet principal, on ajoute le suffixe obviatif «-n» à  Sandra et un autre au verbe). Les personnes peuvent être localisées en termes de distance (Exemple: Joe voit Sandra, si Sandra est plus proche que Joe par rapport au sujet qui en parle, un suffixe obviatif va à Joe). La hiérarchie pronominale existe dans beaucoup de langues, mais l'algonquin est peut-être la seule langue où la deuxième personne est prépondérante. La coutume qui veut que le mot «merci» par exemple, est dit par celui qui donne et non celui qui reçoit, donne une dimension autre à cette langue.

 

livre.gifCette prolifération de cas, de genres et d'agglutinations cependant, représente une multiplication de phénomènes qui sont connus dans des langues européennes. Mais prenons le cas du «nous». Dans la langue kwaio, parlée dans les îles Salomon, «nous» existe sous deux formes : «moi et vous» (inclusif) et «moi et quelqu'un d'autre mais pas vous» (exclusif). Le kwaio n'a pas simplement un singulier et un pluriel, mais aussi un duel et un paucal. Tandis qu'en français le «nous» simple est suffisant, dans la langue kwaio, il y a le «nous deux», «nous peu» et «nous beaucoup». De plus, chacun de ces derniers a deux formes, un inclusif («nous comprenant vous») et l'autre exclusif («nous ne vous comprenant pas»). Il ne serait pas difficile d'imaginer et d'exprimer les situations sociales si vous étiez forcé de rendre cette distinction explicite.

Le berik, parlé par un millier de personnes, de la famille Tor-Kwerba, est une langue de Papouasie- Nouvelle-Guinée qui exige également que des mots codent l'information. Les verbes ont des fins, souvent obligatoires, qui racontent quand dans la journée, quelque chose s'est produite ; telbener signifie «[il] boit des boissons en soirée». Mais encore, là où les verbes prennent des objets, selon leurs fins, cela indiquera leur taille : kitobana signifie «donne trois grands objets à cet homme à la lumière du soleil.» Quelques fins de verbes indiquent même où est l'action du verbe par rapport au locuteur : gwerantena signifie «placer un grand objet dans un endroit bas tout près». Le Chindali ou Ndali, langue bantoue de Tanzanie et du Malawi, a un dispositif semblable. On ne peut pas indiquer simplement que quelque chose s'est produite ; la fin du verbe montrera si elle s'est produite en ce moment, plus tôt aujourd'hui, hier ou avant hier. Le temps futur fonctionne aussi de la même manière.

 

bleu-vert.jpgQuand le bleu et le vert sont un seul et même mot
De très nombreuses langues ne font pas de distinctions entre le vert et le bleu. En langue kurde, le mot «şîn» (prononcé Sheen), qui signifie "bleu", est utilisée pour certaines choses vertes dans la nature comme les feuilles, l'herbe, ou les yeux. Toutefois, il existe un autre mot, «kesk», qui est utilisé pour d'autres choses vertes, par exemple le vert du drapeau kurde.
Dans la langue sioux, le lakota, le mot «tĥo» est utilisé à la fois pour le bleu et le vert. Même affaire, dans les langues mayas, par exemple le yukatek, le "bleu/vert" se dit «yax». En mongole, le mot pour vert est «ногоон» (nogoon) par contre les Mongoles distinguent le bleu foncé «хѳх» (HOH) du bleu clair «цэнхэр» (tsenher).

Autres exemples, plus proches de nous linguistiquement parlant avec l'allemand et ses trois genres. Mark Twain s'est déjà demandé pourquoi «une jeune dame n'a aucun sexe, mais un navet en a un». Dans les langues aborigènes, il existe près de 16 genres différents, ainsi un genre rassemblant les outils de chasse, un autre les choses qui brillent, et même un genre qui s'applique aux femmes, au feu et aux choses dangereuses.

À l'occasion d'une comparaison faite entre germanophones et hispanophones, on peut constater que des idées associées à un mot dépendent du genre grammatical qui lui est assigné respectivement dans chaque langue. Ainsi, au mot «pont», qui est du genre féminin en allemand, le locuteur allemand associe des adjectifs tels que beau, gracieux, fragile, léger, etc. En espagnol, le même mot qui se trouve être du genre masculin suscite des qualificatifs tels que massif, solide, dangereux, long, imposant…


noamchomskyQuelles sont les conséquences sur notre comportement ?

Une divergence d'opinions existe depuis quelques décennies entre linguistes, entre ceux, comme Noam Chomsky, qui pensent que la rigidité ou la souplesse d'une langue fonctionne de la même manière dans le cerveau ou d'un autre point de vue, proposée par Benjamin Lee Whorf, linguiste américain du début du XXe siècle, qui soutient que différentes langues conditionnent ou contraignent les habitudes de l'esprit de la pensée.
Chomsky pense que le langage est "pré-organisé" d'une façon ou d'une autre dans la structure neuronale du cerveau humain et que l'environnement ne vient que sculpter les contours de ce réseau en une langue particulière. Une approche qui demeure radicalement opposée à celle de Skinner ou Piaget où le langage n'était construit que par la simple interaction avec l'environnement. Cette conception béhavioriste (comportementalisme) où l'acquisition du langage n'est qu'un " produit dérivé " du développement cognitif général fondé sur l'interaction sensori-motrice avec le monde avait semble-t-il été abandonnée suite aux thèses de Chomsky.
Le Whorfianisme ou hypothèse Sapir-Whorf qui a été critiqué pendant des années, mais qui fait un retour, dit à peu près ceci : les hommes vivent selon leurs cultures dans des univers mentaux très distincts qui se trouvent exprimés (et peut-être déterminés) par les langues différentes qu'ils parlent. Partant du fait que l'on ne trouve aucune notion temporelle dans la langue Hopi, Benjamin Lee Whorf en déduit que la pensée est conditionnée par la langue qui l'exprime. A ce premier principe se combine un autre : celui suivant lequel la langue est conditionnée par la culture, principe qui sera plus particulièrement développé lors de sa collaboration avec Sapir. Ce principe de la relativité linguistique s'oppose radicalement à l'hypothèse chomskyenne du caractère inné du langage dans la mesure où il lui stipule un caractère acquis. Ce principe s'oppose également à l'ensemble de la conception néo-grammairienne de la linguistique, qui, jusqu'à Saussure, envisageait la langue comme un système propre indépendant des contingences sociales et culturelles. Language is shaped by culture and reflects the individual actions of people daily (Le langage est façonné par la culture et reflète les activités quotidiennes des individus.) Je vais donner mon humble opinion, mais je penche pour l'analyse faite par Chomsky. Il me semble que la structure d'une langue influence grandement le comportement et la culture et non l'inverse.

La droite et la gauche ou l'est et l'ouest
Lera Boroditsky de l'Université de Stanford, nous en fait la démonstration avec l'exemple de la langue kuuk thaayorre. Parlée par seulement 250 aborigènes d'Australie (Queensland), cette langue n'a aucun mot pour «gauche» ou «droite», utilisant des directions cardinales telles que le «nord» et le «sud-est» (exemple : «vous avez une fourmi sur votre jambe du sud-ouest»).
kuukMme Boroditsky nous dit que n'importe quel enfant de la tribu des Thaayorres sait instantanément ce que «sud-est» veut exprimer à un moment donné, tandis que si vous demandez à une salle pleine de professeurs de Stanford de se diriger au «sud-est» rapidement, ils ne seront pas où aller sauf par chance.
Chose cocasse, la salutation standard en Kuuk Thayoorre est «où allez-vous ?», avec une réponse du genre «nord-nord-est, dans la distance moyenne.» Ne sachant pas de quelle direction il s'agit, Mme Boroditsky note qu'un occidental ne pourrait rien comprendre avec un simple «bonjour».
Cette importance accordée à l'orientation spatiale, à la position dans l'espace influe sur les représentations abstraites, plus complexes, telles que la perception du temps. Illustration : si on leurs demande de classer des images comportant une logique de déroulement dans le temps (un vieillard, un crocodiles pris à divers stades de croissance, une banane qu'on mange…), contrairement à un Occidental qui classera les images suivant son sens d'écriture habituel (de gauche à droite, ou de droite à gauche) pour restituer l'ordre chronologique normal, l'aborigène en question, lui, va les classer selon les points cardinaux en fonction de l'endroit où il se trouve au moment où il est lui demandé de procéder à ce classement : s'il est assis face au sud, les images sont classées de gauche à droite, et s'il est assis face au nord, de droite à gauche. S'il est face à l'est, il classera les cartes en les alignant de haut en bas, etc.
Les universalistes répliquent que les néo--Whorfians trouvent des dispositifs extérieurs insignifiants de la langue : l'affirmation que la langue resserre vraiment la pensée n'est toujours pas prouvée.


tuyuka Quelle est la langue la plus difficile au monde ?

Avec tout ça à l'esprit, mais quelle est la langue la plus dure à apprendre au monde ? La première réponse qui me vient à l'esprit est que cela dépend de votre langue maternelle. Apprendre le portugais si vous êtes Espagnol sera beaucoup plus facile que si vous êtes Chinois.
De nombreux linguistes semblent pencher pour le tuyuca, de l'Amazone orientale, parlée par 800 personnes dont 350 en Colombie et 450 au Brésil (aussi appelé Dojkapuara, Tejuca, Doxká-Poárá, Tuyuka, Doka-Poara, Tuiuca, and Dochkafuara). Cette langue a un système de son avec des consonnes simples et quelques voyelles nasales, mais il n'est pas aussi difficile à parler, à comparer de l'oubykh qui possède 83 consonnes ou du !Xóõ et ses 58 consones, 31 voyelles, et quatre tons.
Comme le turc, il agglutine fortement, de sorte qu'un mot tel que hóabãsiriga signifie «je ne sais pas écrire.» Comme le Kwaio, il a deux mots pour le «nous», inclusif et exclusif. Les classes de noms (genres) dans la famille de langue du tuyuca (parents proches y compris) ont été estimées entre 50 et 140. Certains sont rares, comme l'«écorce qui ne s'accroche pas étroitement à un arbre», qui peut être prolongement aux choses telles que le pantalon ample, ou le contre-plaqué (le plywood en bon québécisme) humide qui a commencé à se décoller de toute part. Et comme toutes langues non-indo-européennes, plus de 90% du vocabulaire usuel est à apprendre.

Le tuyuca exige des fins aux verbes afin de démontrer comment l'orateur sait quelque chose. Diga ape-wi signifie que «le garçon a joué au football (je le sais parce que je l'ai vu)», alors que diga ape-hiyi signifie «le garçon a joué au football (je suppose)». Le français peut fournir de telles informations, mais pour le tuyuca, une fin est obligatoire sur le verbe, donc cette langue exige une condition sociale, une perception, une connotation personnelle à la phrase. Ces langues décriées comme primitives autrefois ont en fait des leçons à nous donner, grammaticales et syntaxiques n'est-ce pas ?
Quant à ceux qui mettent la langue française sur un piédestal, je leurs dis simplement que c'est une langue comme les autres, avec ses forces mais aussi ses faiblesses.


Les linguistes se demandent encore avec précision comment une langue fonctionne dans notre cerveau, et les exemples tels que le tuyuca sont éventuellement une matière première de premier choix. Avec la disparition des langues comme l'oubykh (disparut en 1992), les linguistes se dépêchent à apprendre, compiler, enregistrer ce qu'ils peuvent avant que les forces de la modernisation et de la mondialisation n'emportent à tout jamais les langues les plus étranges pour certains, les plus riches selon moi.
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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 23:12
diversitesOn a souvent tendance à penser que l'indice de diversité linguistique est en rapport avec seulement le nombre de langues. Donc le Brésil ou l'Australie qui comptent respectivement 181 et 161 langues vivantes devraient logiquement avoir un grand taux de diversité linguistique.
En fait, il n'en est rien, bien au contraire. Au Brésil, les langues autochtones sont parlées par environ 500 000 personnes sur environ 192 millions d'habitants. Donc la chance que vous rencontriez une personne qui n'ait pas le portugais comme langue maternelle est très faible (0.3%). Par conséquent, malgré son nombre impressionnant de langues, le Brésil compte parmi les pays les moins diversifiés linguistiquement au monde.
(Dans la même veine, on retrouve des pays comme l'Australie, les États-Unis, la Chine, le Mexique ou le Vietnam).
Maintenant, si vous vous promenez dans le Vanuatu qui compte environ 105 langues vernaculaires, et bien, à tous les 5 ou 10 kilomètres, vous constaterez que les gens parlent une langue différente de leurs voisins et qu'aucun grand groupe ne domine linguistiquement. Cependant, le bichelamar (aussi bichlamar) qui n'est parlé que par 6 200 personnes comme première langue, est parlé par 200 000 comme seconde langue. C'est un pidgin à base lexicale anglaise (95%) et langue véhiculaire de cet archipel.

Définition :
Indice de diversité linguistique ou Linguistic Diversity Index (LDI) ou Indice de diversité de Greenberg (1956) est un indice qui sert à mesurer la diversité linguistique suivant chaque pays.
C'est basé sur une échelle de 1 à 0
- 1 indique la diversité totale (c'est-à-dire que personne n'a la même langue maternelle). - 0 indique l'absence de diversité pour tous (c'est-à-dire que tout le monde a la même langue maternelle). 
Le calcul de l'indice de diversité repose sur le calcul entre la population de chaque langue par rapport à la population totale. Quelques caractéristiques s'imposent :
- Il faut prendre en compte seulement les langues maternelles.
- L'indice ne peut pas rendre compte pleinement de la vitalité des langues.
- La distinction entre une langue et un dialecte est variable et souvent politique.Il est à noter qu'un grand nombre de langues sont en effet considérées comme des dialectes par certains experts ou comme des langues séparées par d'autres.

L’approche retenue à présent est plutôt celle de Nettle (1999) qui utilise une mesure de la variance comme indice de diversité.
Indice linguistique de diversité pour chaque pays

Linguistic Diversity Index

 

http://www.muturzikin.com/cartesoceanie/papua.jpgLa Papouasie-Nouvelle Guinée (.990) et les Îles Salomon (.965) ont les plus grands indices de diversité. La Papouasie-Nouvelle Guinée a 819 langues pour 6 millions d'habitants et les Îles Salomon en ont 70 pour 500 000 habitants. Par contre, à l'extrême, le Burundi et le Rwanda, les Corées, Samoa, Cuba ou Haïti ont une seule langue maternelle qui est parlée par presque toute la population.


Un indice de diversité linguistique satisfaisant doit tenir compte de plusieurs facteurs.
D’abord, il doit comporter une certaine conformité d’analyse, tel un pays, des locuteurs d’une langue singulière.
Mais il faut ajouter un nouveau point, c’est-à-dire qu’à mesure que la proportion du groupe linguistique diminue, sa contribution à la diversité devrait aussi diminuer. De cette façon, les pays où l’on retrouve plusieurs groupes linguistiques d’importance semblable comme la République démocratique du Congo ou la Tanzanie démontreront une diversité linguistique plutôt élevée, tandis que les pays ayant un nombre comparable de langues, mais avec seulement une ou deux langues dominantes comme la Russie afficheront une diversité linguistique relativement faible.


indice.png

David Nettle, dans son livre édité en 1998, Linguistic Diversity, note que «fait étonnant, la carte de la densité linguistique dans le monde est la même que le plan de la diversité des espèces: c'est à dire que là où il y a le plus d'espèces par unité de surface, il y a aussi un grand nombre de langues. »
Le fait d'augmenter ainsi la capacité linguistique et le respect de la diversité peuvent également être un bon moyen de conserver l'habitat et d'accroître ou maintenir la biodiversité.languesuperficie

Cette carte à droite, qui semble étrange, nous montre le nombre de langues en rapport avec la superficie de chacun des pays.
On peut constater que la Nouvelle-Calédonie est aussi grande que l'Europe.
Ci-dessous, la taille de chaque territoire montre la proportion des langues autochtones qui sont encore parlées. Ce n'est pas une carte sur l'indice de diversité linguistique. Si la France parait assez grosse, c'est que l'on additionne toutes les langues autochtones d'outre-mer avec les dialectes occitans et de la langue d'oïl comme des langues à part entière.
La carte ci-dessous utilise les données de « Ethnologue: Languages of the World », et indique le nombre de langues considérées comme autochtones pour chaque pays et qui sont encore parlées. En raison de problèmes d'identification de certaines langues, il est possible de remettre en question les données utilisées ici, mais selon Ethnologue, Lyle Campbell and Verónica Grondona (2008) font justement un travail d'identification et affirment que «... le nombre de langues autochtones (« vivantes ») de différents pays est gonflé ...".


worldmapper.png

© Copyright 2006 SASI Group (University of Sheffield) and Mark Newman (University of Michigan).
Pris sur cette page de Worldmapper

Néanmoins, la carte offre une bonne image de la diversité linguistique. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a près de 10% des langues autochtones vivantes dans le monde (820), de sorte qu'il y a seulement une moyenne de 7000 locuteurs par langue. L'Indonésie (737), le Nigeria (510), et l'Inde (415) ont également un grand nombre de langues indigènes. À l'autre extrémité de l'échelle, le Bélarusse, les Maldives, la Corée et le Saint-Siège ont chacun une seule langue vivante.
map-linguistic-diversity-around-the-world-2010.jpg
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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 04:49
Ce n'est pas seulement, une langue et sa vision du monde qui disparaissent, mais aussi un peuple ayant un patrimoine génétique des plus anciens qui soit et unique au monde. Quelle énorme perte ! 
Cette perte génétique, c'est celle d'une partie de l'Histoire humaine qui ne s'est jamais écrite durant 80 000 ans. À comparer au niveau du temps, les hiéroglyphes du IVe millénaire avant notre ère sont loin du compte. Depuis 400 ans, le patrimoine génétique de l'humanité est en plein changement et une nouvelle ère est en train de s'écrire. Je ne sais pas si c'est pour le pire ou le meilleur, ce que je sais, c'est que cette diversité au niveau mondial se fond dans un méandre de populations gigantesques et disparaît peu à peu.


Boa Sr, décédée le 26 janvier 2010 à l'âge d'environ 85 ans, était la dernière locutrice de l'Aka-bo, l’une des dix langues andamanaises. On considère que la tribu Bo, qui vivait dans les îles Andaman depuis 65 000 ans, étaient les descendants de l’une des plus anciennes cultures humaines de la planète.

Deux cartes linguistiques très différentes, l'une de 1858 et l'autre de2010.

aka-boPour en savoir un peu plus ; L’extermination d’une tribu andamanaise s’achève après la disparition de son dernier représentant. Petit article intéressant où l'on peut écouter cette langue !

Quelques références bibliographiques

  1. Temple, Richard C. (1902). A Grammar of the Andamanese Languages, being Chapter IV of Part I of the Census Report on the Andaman and Nicobar Islands. Superintendent's Printing Press: Port Blair.
  2. "GA Community". Vanishing Voices of the Great Andamanese (VOGA). Retrieved 2010-02-05. 
  3.  "Obituary for Boa Sr.". Vanishing Voices of the Great Andamanese (VOGA). Retrieved 2010-02-05. 
  4.  "Wolfram Alpha". Retrieved 2010-02-07.

Je vous incite fortement à lire aussi ce court article : Les langues et la mémoire historique de Paula Kasares, professeur associé de l'Université de Navarre.



Un héritage génétique unique

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/03/Great_Andamanese_women_-_1876.jpgLes Andamanais, de nationalités indiennes, sont théoriquement issus d'une grande migration côtière en provenance d'Afrique, qui s'est faite le long des régions côtières de l'Inde continentale et vers l'Asie du Sud, le Japon et l'Océanie. L'analyse génétique des Andamanais inclue l'ADN nucléaire et de l'ADN haplotype, héritage à la fois par la lignée du sexe féminin (ADN mitochondrial) et de la ligne de sexe masculin (chromosome Y).

Les Andamanais appartiennent à la grande lignée du chromosome Y désigné par Spencer Wells comme M130 (haplogroupe C). Il s'agit d'une lignée qui semble avoir émigré d'Afrique de l'Est il y a au moins 50 000 ans et ce, le long de la côte sud de l'Asie vers l'Est, puis vers l'Australie. Au sein de cette lignée, les Andamanais (Onges et Jarawa) appartiennent presque exclusivement au sous-type désigné haplotype D, qui est également courant au Tibet et au Japon, mais rare sur le continent indien. Toutefois, il s'agit d'une sous-clade (sous-groupe de sous-gènes) de l'haplogroupe D qui n'a pas été observée en dehors des Andamanais, marquant l'insularité de ces tribus. Le seul autre groupe qui soit connu et qui appartient majoritairement à l'haplogroupe D, est le peuple autochtone aïnou du Japon. Les hommes du Grand Andaman, d'autre part, ont une présence dans le chromosome Y d'haplogroupes O, L, K et P, ce qui les place parmi les populations du continent indien et d'Asie.

 

andamanais.jpgTous les Andamanais appartiennent au sous-groupe M, qui est largement distribué dans le sous-continent indien, mais rare en Afrique et dans d'autres zones à l'ouest de l'Inde. En outre, ils appartiennent à des sous-groupes M2 et M4, qui tous les deux se retrouvent fréquemment dans toute l'Inde. Cela implique une longue histoire des Andamanais sur les îles, ce qui permettrait à l'heure actuel de penser qu'un développement local génétique isolé s'est produit. Il est aussi probable que les îles Andaman aient été à l'origine colonisées par deux groupes différents, qui ne se sont pas mélangés durant des dizaines de milliers d'années.

Ils ne présentent pas d'affinités génétiques spécifiques avec toute autre population dans le monde. Cela a amené certains généticiens à conclure que les Andamanais "semblent être restées dans l'isolement pendant une période beaucoup plus longue que toute autre population anciennes connus à ce jour dans le monde."
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9b/Negritos-carte.png
Une ex
plication de leur originalité vient du fait qu'ils sont les survivants et descendants des premiers hommes venus d'Afrique. Ils sont restés génétiquement isolés dans leur habitat actuels et ce, depuis leur arrivée.

Cela contraste avec les Nicobarais voisins ou Shompens, qui sont surtout des immigrants récents en provenance du continent asiatique.

Certains anthropologues affirment que le sud de l'Inde et l'Asie du Sud étaient autrefois peuplés en grande partie par des Négritos similaires aux Andamanais, tout comme certaines populations tribales dans le sud de l'Inde, les Irulas, ou les Aetas aux Philippines.
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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 07:44

 

frenchparadox.gifNO NO NO French paradox, my friend.
Le paradoxe français (french paradox) est l'expression qu'emploient les anglophones et les diététiciens pour désigner une apparente contradiction entre la pratique alimentaire des Français et leur santé, un terme inventé en 1992 par Serge Renaud. Ma définition du paradoxe linguistique français désigne plutôt une apparente contradiction entre le nombre impressionnant de locuteurs francophones (environ 180 millions), la politique linguistique et hégémonique du français qui a fait table rase des langues minoritaires et la santé désastreuse de la langue française au niveau mondial.
Un constat désolant
Depuis plus de deux siècles, à quelques exceptions près, tous les États nations sur tous les continents s’efforcent à faire disparaître de leurs territoires respectifs toutes formes de diversités linguistiques afin qu’un unique groupe domine tous les autres. En Indonésie par exemple, la situation est hurluberluesque, voire ridicule. Les 7 millions de Malais indonésiens qui représentent seulement 4.1% de la population totale ont imposé, pour des raisons historiques, le malais comme langue officielle à 240 millions de personnes. Et ce, au détriment du groupe principal que constituent les Javanais et ses 86 millions d'habitants, soit 41.7% de la population, mais aussi au détriment de 300 groupes ethniques et plus de 700 langues ou dialectes. À titre de comparaison, c'est comme si le Bulgare devenait la langue officielle et obligatoire de l'Union européenne.
world-language-map-french.pngMême en Afrique, les nations nouvellement formées forgent une identité nationale propre. Le Sénégal ou la République Centrafricaine ont respectivement comme lingua franca ou langue véhiculaire, le wolof et le créole sango, qui s’imposent aux autres langues minoritaires chaque jour un peu plus.

Maintenant que nous sommes dans une phase d’assimilation très avancée, où les langues régionales ou autochtones, sauf exception, sont à l’agonie, un retour du bâton se fait sentir.
Le retour du bâton

Vous allez penser que je vais parler du retour des langues autochtones ou régionales dans le champ de la vie courante. Non, pas du tout !

fisheatfish-copie-1Le retour du bâton est bien pire que ça. À force de clamer simplistement haut et fort qu’il nous faut une seule et unique langue pour un territoire, que la nécessité de se comprendre pour commercer passe avant tout autre critère, et bien, toutes ces langues, autrefois prestigieuses, se retrouvent à être désormais des lamineuses laminées, toutes à la remorque de l'anglais. Le français n’étant pas assez puissant pour s’imposer, tout comme le portugais, le japonais ou autres, l’anglais devient à présent la seule alternative qui permettra à toute la planète de se comprendre. Notre territoire national qui définissait notre espace linguistique se substitue peu à peu en un territoire supranational ou mondial.

En effet, de nos jours, et à travers le monde, on se fiche éperdument de la culture française et à fortiori de sa langue. Et il en est de même pour d’autres grandes langues et autres grandes cultures. Et s'il y en a qui pensent le contraire, ils ne font que se bercer d'illusions. Petite parenthèse, j’ai discuté très souvent avec des Africains, et tous, absolument tous, me disent que cela ne les dérangeraient pas que leur pays, ''francophones'', changent de langue officielle. Ils sont prêts à passer du français à l’anglais comme a fait le Rwanda et pensent tous que le français n’a pas d’avenir. Même au Québec, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 1971, 27.6% de la population était bilingue et en 2001, soit trente ans plus tard, ce taux était de 40.8%. Et cela ne cesse d’augmenter, pour autant le français est resté la langue maternelle d’environ 80% de la population et 94% des Québécois comprennent le français. L’anglais progresse alors que la politique linguistique favorise le plus souvent la langue française.

unesco_langues_Fra.jpgLe French linguistic paradox nous montre une situation contradictoire, la langue française qui n'a jamais eu autant de locuteurs durant toute son histoire, se trouve devant une situation abyssale, insurmontable et de domination sans équivoque face à l'anglais. La langue française, autant au Québec qu'en France, qui s’est presque débarrassée de toutes les ''petites'' langues sous sa juridiction, va désormais subir les foudres de l’anglais, et je suis absolument convaincu que d’ici deux siècles, si la tendance à la mondialisation se maintien, on parlera de sa survie comme on parle aujourd’hui de la survie du breton, de l'abénaki ou du malécite. Ce n’est que justice selon moi. Personne ne pleure pour le breton sauf une infime poignée de gens, on ne pleurera pas plus pour le français quand on constatera son inutilité, déjà factuelle à travers le monde. D’ailleurs il n'y a que certains Français, idéologues et promoteurs de la langue française, pour vouloir encore croire le contraire. Au Québec ou en Afrique, le bilinguisme ou le trilinguisme est de mise, avec un fatalisme ou un réalisme, le plus souvent accepté et géré avec complaisance.
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Quand on tire autant de l'arrière et qu'il est impossible de revenir au score
Quant à la diversité culturelle défendue par l’Organisation internationale de la francophonie, je pense qu'elle n'est qu'un leurre dans lequel s’enfoncent chaque jour ses protagonistes. Ces derniers veulent nous faire à croire qu’en sachant une ou deux langues internationales (toujours les mêmes en passant : espagnol, allemand, italien, arabe ...etc.) pour faire face à l’anglais, on sauvera le monde de cette hégémonie grandissante. Ils construisent un beau château de sable au bord de l'eau alors que la marée monte.

 

Pour exemple, je vais prendre un texte du Français Pierre Frath « Hégémonie de l'anglais : fantasmes et dangers ». Ce texte reflète en partie des articles écrits par des Européens francophones sur l'état de la langue française. Je trouve souvent que leurs solutions manquent de recul, même si leurs analyses sont justes, pertinentes et réalistes. Leurs conclusions manquent d'audace et sont trop francocentristes (après tout c'est normal). Dans sa conclusion, Pierre Frath souhaite que l’on étudie tous des langues internationales autres que l'anglais, et regrette que sa langue maternelle, l'alsacien, ait perdue « la bataille pour sa sauvegarde, malgré quelques efforts folkloriques ici ou là ». Il nous dit : « Il faut faire en sorte que les autres langues européennes ne subissent pas ce sort. Le meilleur moyen, c'est apprendre les langues des autres. » 
Encore un qui croit au Père Noël. Pierre Frath nous invite à apprendre, et je le cite, le « portugais, le danois, l'arabe, le néerlandais, le russe, le japonais », alors que lui-même a déjà capitulé avec sa propre langue maternelle l’alsacien, deuxième langue autochtone parlée en France (700 000 locuteurs) après le français. À mon avis, il fait le pire des choix. Je ne doute pas qu’il mettra toutes ses énergies à défendre la langue française, un des derniers remparts avant l’anglicisation, ni de sa bonne foi. Mais, il se trompe de combat, ou plutôt de tactique, il n’a pas compris qu’il fallait défendre l’alsacien qui fait partie d’un ensemble de dialectes alémaniques. Et pourquoi donc ?
Quand l'utopie me rattrape aussi
Devant un tel rouleau compresseur, je ne vois plus que l'utopie pour sauvegarder la diversité linguistique ou le chaos.
L’humanité ne suit qu’une seule logique, la survie de son espèce. Et la pluralité des espèces animales et végétales, des éléments sont au fondement même de la vie. Mais apparemment pas celle de la société des Hommes. (Voir mon article c'est la faute à Rousseau)
La véritable diversité ne serait-elle pas celle de choisir parmi les forts (allemand, français, espagnol), mais plutôt parmi les faibles, dans le choix hétéroclite de dialectes et autres langues minoritaires, quitte à ce que le communautarisme voit le jour (presque tous nos auteurs en ont peur comme tout bon Français qui se respecte).

Je vais faire une petite analogie avec les espèces biologiques pour bien vous faire comprendre mon point de vue. Je pense que toutes les diversités sont primordiales, animales, biologiques, linguistiques, humaines et quelles sont au fondement de notre survie. Si je fais une analogie avec la biologie, c'est parce que, et la preuve est faite, la diversité linguistique est intimement liée avec la diversité biologique, mais aussi où la société occidentale est la moins présente (Quand le silence des oiseaux annonce celui des hommes)
Prenons pour exemple un champ de maïs avec des OGM (l’anglais) capable de contaminer tous les champs de maïs autour (autres grandes langues). Vous aurez beau combattre, la contamination aura ravagé les champs aux alentours tôt ou tard. Ce n'est pas à armes égales qu'il faut se battre avec un tel adversaire car sinon il ne restera, par analogie, que du maïs à manger, et nous périrons tous par manque d’autres nutriments.
Pardo-you-speak-english.png contre, si vous plantez dès maintenant toutes sortes de légumes (petites langues qui ne servent pas à grand-chose, j'en conviens, surtout aux yeux d’une personne qui vit à un millier de kilomètres), grâce à la richesse des nutriments, l’homme pourra toujours se maintenir en vie même si son plat quotidien sera fait à base de maïs (bilinguisme avec l'anglais). Mais vous allez me dire : pourquoi une comparaison boiteuse entre les grandes langues qui sont du maïs et les langues en danger qui représentent toutes sortes de légumes.
Premièrement, les langues minoritaires ne pourront jamais devenir des langues internationales, elles ne sont pas dans le même registre et la même dynamique que les grandes langues. Elles maintiennent une culture, un folklore, une auto-identification dans de petites zones spécifiques et historiquement reconnues.
Quant aux grandes langues, elles jouent en fait depuis plus d'un siècle exactement le même rôle que la langue hégémonique actuelle qu’est l’anglais, elles détruisent la diversité dans leur champ (de compétence) et elles n’ont fait qu’appauvrir notre pluralité linguistique (ou système immunitaire). D'ailleurs, l'anglais étant devenu si incontournable qu'elles sont toutes en train de capituler dans les domaines politiques, économiques, scientifiques et de plus en plus dans les domaines culturels et linguistiques. Elles souhaitaient peut-être toutes être un jour l'élue. Personnellement, je n’y vois que du nombrilisme pathologique et destruction dans ses politiques linguistiques, anglais inclus.
Existe-t-il des solutions ?
Oui, je le pense même si je n’y crois plus. La solution passerait par l’officialisation de milliers de langues, leurs enseignements obligatoires dans des territoires d'origine, le corse en Corse, l'algonquin en Abitibi-Témiscamingue, le kurde au Kurdistan, le cheyenne dans des comtés de l'Oklahoma avec une grande sensibilisation dès l’enfance à la différence comme condition sine qua non à tout apprentissage. Évidemment, l'anglais comme langue seconde. Au risque aussi de voir des milliers de communautés se reconstituer.
Mission impossible et utopie ! La diversité va souvent à l'encontre des réalités politiques et financières.

Pour une personne comme moi qui aime à nager dans la différence, ce ne serait que bonheur, mais l'intolérance ou plus souvent la peur de la différence sont malheureusement de mise dans ce monde. Et, nos chers intellectuels n'en sont pas moins en reste. Cela se ressent dans les textes, on compare le communautarisme ou le régionalisme au féodalisme. (Ridicule !)
Quant aux État-nations, j'espère qu'ils disparaîtront, car ils mettent souvent ensemhttp://www.muturzikin.com/cartesafrique/imagesafrique/1.pngble des populations ethniques et linguistiques dans un même panier et crient au concept d'universalisme à qui veut l'entendre. L'universalisme républicain en France qui touche un des principes corollaires de l'idéologie républicaine française, bafoue ses principes de liberté et d'égalité au grand jour depuis des siècles avec la mort orchestrée des langues minoritaires situées sur son territoire. On comprend mieux les antagonismes délirants entre la réalité d’un côté et les principes idéologiques de l’autre. À la différence des Français, les Anglo-saxons ont souvent fait preuve de pragmatisme quand il s'agit de faire une part plus belle au particularisme des communautés, tant et aussi longtemps que l'anglais restait sous-jacent. Le pouvoir d'attraction de l'anglais étant si puissant que l'on fait fi des différences qui s'estompent à long terme. Dans le cas contraire, ils ne se sont gênés pour déporter les Acadiens ou tuer les Amérindiens.
La différence fait partie de la vie, et vouloir assimiler des populations au nom de principes illusoires ne mène nulle part. Le réalisme anglais face à l'idéalisme des Français est une des grandes forces des Anglo-saxons et au Québec nous avons le meilleur ou le pire des deux, selon votre optique. J'aime à citer que l'Australie ou les États-Unis n'ont d'ailleurs pas eu besoin d'officialiser la langue anglaise (English does not have de jure status). Incroyable, non ? La réalité et la puissance hégémonique n'a pas besoin d'être encadrée par des lois, elle s'impose d'elle-même.englishwithout.png
Une solution plus ou moins réaliste
Je pense qu'une partie de la solution à la sauvegarde de la diversité linguistique se trouve présentement dans un pays anglophone : l’Afrique du Sud. Ce pays a onze langues officielles : Le zoulou, le xhosa, l'afrikaans, le sotho du Nord, le tswana, l'anglais, le sotho, le tsonga, le swati, le venda et le ndebele. Tous les grands groupes ethnolinguistiques ont un statut juridique qui les protège et si cette diversité linguistique se maintient, avec comme lingua franca l'anglais, alors ce pays serait l’exemple à suivre.
Je pense qu' il faut aussi s'assurer que l'anglais, langue véhiculaire ou lingua franca, soit une langue seconde apprise vers l'âge de 8 à 12 ans Bien après une bonne entrée en matière avec la première langue, et qui ne soit pas l'usage courant pour les jeunes, surtout dans la rue. Selon certaines études, notre cerveau aurait une certaine plasticité avant qu'il se cristallise vers l'âge de 8 ans. Il est donc plus difficile d'apprendre une langue après 8 ans et les sons après 5 ans (les accents). Dans le cas où la maîtrise des deux langues est parfaite (« bilinguisme idéal »), où les personnes deviendraient de parfaits bilingues dés la petite enfance, le risque que la langue première minoritaire disparaisse à court terme est inévitable, je dirais impérieux, fatidique. Les gens sont inexorablement attirés par la langue la plus puissante.
L’école est l’endroit le plus important pour l’éducation bilingue car elle est le milieu d’acquisition fondamental de la langue. En plus, elle fonctionne comme une instance de légitimation où on apprend la norme standard de la deuxième langue. L’âge de l’apprentissage des langues joue un très grand rôle face au vrai bilinguisme. Les facultés pour un vrai bilinguisme commencent à régresser dès l’âge de 3-5 ans lorsque l’enfant n’est exposé qu’à une seule langue. A l’âge de 7 à 12 ans la perte est irréversible et en plus il éprouve une peur de l’erreur envers l’apprentissage d’une langue.
L'anglais doit seulement être un outil de communication limité dont presque personne n'y ressent un fort attachement socio-culturel, sauf peut-être de façon sporadique (musique, télévision, Internet). Il faudrait en fait des milliers de lois 101 pour encadrer chaque langue. En réalité, je pense que les grands ensembles détruiront comme jadis toutes les diversités linguistiques.
Mais malheureusement, comme Pierre Frath, moi aussi je me suis mis à rêver.

 

En conclusion
L’impérialisme culturel romain d'hier a supprimé de la carte de l'Europe des centaines de langues, faisant ainsi de ce continent, le moins diversifié linguistiquement au monde. Aujourd'hui la culture anglo-saxonne, qui fait subir aux grandes langues le même sort, semble faire apparement « partie de la trajectoire historique de la modernité occidentale ».
À mon humble avis, il n’y a que la diversité des petites langues ou le chaos pour sauver la diversité linguistique mondiale (Small is beautiful). Cette logique de l’uniformité linguistique nationale au détriment des minorités linguistiques a rattrapé le français en ce début du XXIe siècle et cette langue est désormais condamnée tant et aussi longtemps que la mondialisation qui me semble inéluctable, continuera. Éliminer lentement la diversité linguistique de son pays pour ensuite prôner, réclamer haut et fort une autre diversité pour sa propre survie, n'est qu'hypocrisie, une duplicité idéologique sans fondement et je l'espère, vouée à l'échec.globalization / mondialisation

Constater la victoire de batailles gagnées sur le dos de petits groupes linguistiques, quand à long terme, on sait très bien aujourd'hui que l'on va perdre la guerre contre l'anglais, prouve l’idiotie des politiques linguistiques nationales. Le français s'est pris à son propre piège, et c'est ainsi que « tel est pris qui croyait prendre ».
NO, NO, NO in English please. It's the biter bitten
. Autant commencer tout de suite. Comme dans la chanson d’ABBA, groupe suédois qui chante en anglais : « The winner takes it all », my friend ! (le vainqueur prend tout, mon ami !).

 

 

 

 

 

Références :
« Les étudiants français toujours aussi nuls en anglais » : commentaire par Pierre Frath de l’article du Monde du 25.08.09
Le français dans le monde: le recul. Ceci réfute les affirmations d'une propagande de moins en moins crédible.
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