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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 06:27

Si la diversité linguistique disparaît, c'est la faute à Rousseau

rousseau2.gif

Depuis quelques années, la diversité linguistique comme sujet d'intérêt pointe son nez dans un méandre d'informations. Force est de constater que cela intéresse de plus en plus de personnes. On ne compte plus désormais les articles qui parlent de diversité linguistique ou ethnique.  La découverte en 2008 d'une langue, le koro, dans une région reculée du nord-est de l'Inde, a même fait la une de l'actualité. De même que la disparition de l'aka-bo avec le décès de sa dernière locutrice.

Alors, dans de grands élans de générosité journalistique, sauver la diversité sous toutes ses formes répond actuellement a une forte demande. Par exemple, espérer sauver des tribus encore isolées de l’occidentalisation, préserver leur mode de vie, leur langue, leur territoire est un bon sujet éditorial. On souhaiterait même qu'ils restent à l’abri de notre planète civilisatrice et ultra libérale.

Pourquoi sauvegarder les diversités ?

Par réflexe, il nous paraît souvent légitime de vouloir préserver toutes sortes de diversités : linguistique, ethnique, biologique animale et végétale ou autre. Depuis des milliers d'années, nous expérimentons en effet toutes sortes d'expériences profondes et intrinsèques à l'humanité. Et la sauvegarde des diversités nous semble être un enjeu primordial. La vie dans toute sa pluralité fait partie de notre histoire, de notre patrimoine commun, de notre survivance. Et la somme de toutes ces expériences forment donc un ensemble, un tout indissociable à l’humanité, et ce, depuis la nuit des temps. Par conséquent, il est donc assez aisé de comprendre que pour la plupart d'entre nous, la préservation des diversités doit être sauvegardée puisqu'elle fait partie de nous. 

 

Alors, que ce passe-t-il ? Que faisons-nous en général ? Et bien, nous célébrons cette diversité. Nous voulons tellement la célébrer, que des chaînes spécialisées se créent. La demande est forte. Nous nous émerveillons devant des paysages à couper le souffle, devant des ours polaires en perdition sur la banquise ou devant les coutumes ancestrales des Yanomamis. Des émissions de TV réalité se déroulent loin de la civilisation, dans un environnement de rêve, là où la nature ''dicte'' supposément sa loi. Dans des articles de journaux ou sur des blogs comme le mien, on réclame de la diversité à tue-tête : de la diversité pour Monsieur LeBreton, de la diversité pour Madame LaForêt, de la diversité pour Madame L'Algonquine, de la diversité pour Monsieur LeTigre d’Asie, de la diversité pour Madame Lamusulmane… Stop !

Sur le papier, cela fait propre, éthiquement correct et en soi logique. Mais seulement, ce n'est malheureusement pas politiquement correct et nous allons voir pourquoi.

Quand la diversité naturelle s'oppose à la diversité sociale

Ce que je constate, c'est que tant que les enjeux ne forcent pas le politique à s'impliquer, tout va bien, ou presque, dans le monde de la diversité et de ses protagonistes dont je suis. Seulement la réalité est tout autre. Je ne ferai pas une énumération des problèmes mais la préservation de toute diversité va souvent à l'encontre même de nos choix de société ou des raisons financières. Et là est le problème.

 

La vie en société exige en effet le rassemblement de la diversité au sein d'un monde commun, elle procède donc à une réduction de la diversité vers un objectif universel, une unité de l'ensemble. Alors que la diversité naturelle prévaut comme la condition sine qua none à toute reproduction, le modèle social quant à lui va dans le sens contraire. Le politique qui soutient parfois cette diversité, aussi lieu où s'exprime les pluralités, est aussi le lieu où le choix d'un projet commun tuera toutes ces pluralités. Et ce parfois, dans un processus tout à fait démocratique, pour le soi-disant bien-être commun de la société.

rousseau1.jpg

D’où le concept de volonté générale, conçu par Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social, pour qui la « volonté générale (ou volonté du peuple) fonde la légitimité du pouvoir politique et désigne ce que tout citoyen devrait vouloir pour le bien de tous et non pour son intérêt propre.

Les forces de l’État peuvent seulement être dirigées par la volonté générale (l’accord des intérêts particuliers) pour tendre vers le bien commun. La souveraineté populaire peut être déléguée, en s’accordant provisoirement avec la volonté d’un homme, mais ne saurait se soumettre dans la durée à la volonté d'un seul homme. Il est à noter que la volonté générale ne correspond pas à la volonté de la majorité : elle est, d'après Rousseau, "la somme des différences de la volonté de tous " à laquelle on a donc ôté les plus et les moins qui s'entre-détruisent1.

 

La diversité ne pose par conséquent aucun problème tant et aussi longtemps qu’elle n’est plus l’enjeu politique ou financier d’une société. Donc, si les forces politiques veulent qu’une seule langue s’impose à un territoire X donné, la diversité n’a plus de raison d’être.

 

De nos jours, nous sommes tous, sauf à quelques exceptions, dans un processus de mondialisation. Le discours ambiant et véhiculé, veut que nos sociétés primitives3 abandonnent certains particularismes. Elles doivent et vont se transformer dans un ensemble commun, où les lois et les forces qui s’affrontent vont inexorablement vers un choix collectif. Un choix pour tous, un choix unique qui dans son acception s'oppose à tout concept de diversité. (Voir les débats qui posent problèmes à la société québécoise ; les débats sur l’intégration des immigrants dans leurs diversités et un best of humoristique, le port du kirpan à l'école au Québec ...etc.)

 

Quelles en sont les conséquences ? Et les langues ?

rousseau3.jpg

D'un point de vue linguistique, que ce passe-t-il? Il se passe exactement la même chose que dans le domaine de la biologie, de l'ethnologie, de la culture, soit une réduction du nombre de langues. En Europe, si l'on supplante un territoire national par un territoire supranational, le champ d'action des politiques linguistiques s'élargit. Les différents modèles de société vont à leurs tours délaisser la diversité linguistique afin que l'on puisse parler d'une seule voix. D'ailleurs, la langue anglaise comme principe de base d'unification ou d'intercompréhension est devenue un leitmotiv pour tous les pays : « il faut apprendre l'anglais pour se comprendre et échanger ». Et cela marche au regard des statistiques. Au sein de l’Union européenne, l’anglais est connu par 47% de la population dont 13% seulement ont l'anglais comme langue maternelle.

À plus ou moins long terme, dans un même dessein, il me semble que l'on parlera une langue commune pour notre « soi-disant » bien-être et notre sécurité. Si ce processus d'endoctrinement perdure assez longtemps, les gens croiront avoir choisi eux-mêmes de laisser leur propre langue au profit d’une autre. De plus, je pense également que pour une vaste majorité de gens, une langue n’est qu’un simple outil de communication. Et s’il y a un outil « soi-disant » plus performant pour l’avenir de leurs enfants, ils délaisseront l'ancien.

Seulement à force de tenir le discours « une seule langue pour tous » durant des décennies, d'en mettre les moyens, surtout en éducation et dans les média-mensonges dominants, les gens y croient. En une ou deux générations, ils abandonnent volontairement ou contraint un patrimoine culturel et linguistique parfois millénaire. Puis finalement, quand le cadavre sera bien consumé sur l'autel du compromis social, on nous dira que c'est aussi la faute des gens qui ont abdiqué.  Ce n'est pas faux mais c'est mal connaître les politiques linguistiques d'assimilation.

Quelques critiques...

Dans certains commentaires, il m’a été reproché d’être pessimiste face à l’avenir de la langue française, que je demande le chemin de la repentance2 comme beaucoup ou que je tiens le même discours du French-speaking bashing (Un néologisme que je viens de créer en référence au Québec Bashing). Sur la forme, c’est vrai ! Sur le fond, ma prise de conscience va au-delà du caractère partisan. Quoique j'aurai toujours un faible pour les plus faibles !

 

 

 

En conclusion

Voilà, par ce court article, j’ai essayé de transcender le débat au-delà des controverses partisanes ou des querelles de détails. L’Histoire humaine est une conquête, une conquête sur son environnement et sur elle-même. Elle va, me semble-t-il, dans sa forme sociale à l’encontre de la diversité. Va-t-elle y parvenir ? Je n’en sais absolument rien. Ça c'est un tout autre débat. Cependant, depuis 60 ans, nous sommes bien partis pour continuer et la lutte sera impitoyable pour ceux qui veulent ramer à contre-courant. Yes, we can !

 

 

 

 

 

1 : Extrait pris sur Wikipédia.

2 : Faire prendre conscience et faire avouer aux défenseurs de la langue française qu'ils ont détruit toutes diversités linguistiques au nom de principes communs.

3 : Discours tenus par les protagonistes de la mondialisation afin d'influencer les populations à un changement.

 

Autre article : Yes, I want bilingual kids

 

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commentaires

G
<br /> Oso artikulu interesgarriak idazten dituzula iruditzen zait, zorionak bada!<br /> <br /> <br /> Frantsesaren etorkizunaren inguruan esan dituzun kontuekin bat nator hein handi batean, baina puntu pare bat kontuan hartu ez dituzula uste dut. <br /> <br /> <br /> Frantsesek garrantzi handiena duen hizkuntzaren alde joko dute, "gizartalde" izaki. Hala ere, gizarteak errazena dena egiten du orokorrean, eta Frantziako hizkuntza minorizatuekin alderatuz<br /> frantsesak abantail esanguratsuak dauzka. Batetik, denek ikasten dute eskolan eta Frantzian ez dut uste frantsesez hitzegiteko gai ez den inor bizi denik. Bestetik, hizkuntza minorizatuekin<br /> alderatuz, frantsesa Frantziako hizkuntza bilakatu da, jende asko herri eta hizkuntza horren alde zendu ei zen. Estatu edo Patriako hizkuntza da, bakarra eta ukaezina. <br /> <br /> <br /> Horren guztiaren ondorioz, ez dut uste etorkizun hurbilean ingelera arrisku bilakatu litekeenik. Hitz batzuk sartuko dira seguruenik frantsez hiztegian, ezer larririk ez. Ingelera Franzian<br /> arrisku bilakatzeko ama hizkuntza ingelera duten pertsonak egon beharko dira, eta hori oraingoz pentsaezintzat jotzen dut. Herriaren hizkuntza frantsesa den bitartean eta estatuak hala izatea<br /> nahi duen bitartean hala jarraituko du. Oso arraroa ikusten dut estatu frantsesak ingeleraren alde egitea ingelera hizkuntza ofizial bilakatzeraino.<br /> <br /> <br /> zer deritzozu esan berri diotenari?<br /> <br /> <br /> Segi gogor!<br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci pour votre participation.<br /> <br /> <br /> C'est évident, comme vous dites, que le français restera prédominant tant et aussi longtemps que cette langue est suffisante dans le quotidien des gens. Petits rappels historiques, au Pays basque<br /> français, on s'est mis à parler le français quand la modernité de la vie à fait que pour subsister, il fallait partir de la ferme. Le monde agricole était prédominant partout en France, et aller<br /> vers les secteurs de service et industriels demandait aux jeunes de partir loin de chez eux. On demandait aux gens de quitter leur racine pour aller vers un plus grand ensemble, quitter l'Euskal<br /> Herria et devenir français. D'ailleurs, au début du XXe siècle, les Basques sont Français depuis environ 3 siècles mais ils n'en parlent toujours pas la langue. En conséquence, à un moment donné<br /> de l'histoire, il ne serait pas surprenant de voir les Français changer de langue. En 2000 ans, les habitants de la France actuelle sont passés du celte ou proto-basque en Aquitaine, aux langues<br /> d'oïl ou d'oc, puis depuis deux siècles au français. Pourquoi pas l'anglais demain et une autre après.........<br /> <br /> Mais revenons à nos moutons, le capitalisme d'hier et d'aujourd'hui n'a qu'un objectif, que les personnes soient mobiles dans leur travail, qu'ils oublient leur racine afin de mieux les<br /> exploiter, les asservir. Hier, pour vivre dans un monde ''moderne'', il fallait oublier qu'on était basque, oublier notre langue, notre culture pour devenir un citoyen ''libre'' et ''moderne''<br /> français de langue française. Maintenant, le néo-libéralisme (ou néo-capitalisme) nous demande la même chose mais il y a quelques paramètres qui changent, comme la géographie (Europe), la monnaie<br /> (européenne), les lois (de Bruxelles), une future langue commune (l'anglais est la première langue étrangère d'un tiers des citoyens européens, ce qui en fait la langue la plus utilisée dans<br /> l'Union. L'allemand et le français sont chacun la première langue étrangère d'environ 10 % de la population européenne.). Pour preuve, combien de jeunes ingénieurs basques espagnols sont en<br /> Allemagne ou ailleurs ? Dans quelle langue travaille-t-il? On recommence la même chose, il faut maintenant oublier que l’on est français ou espagnol pour devenir des Européens, et devinez dans<br /> quelle langue on devra s’exprimer et dans quel but.<br /> Je vous accorde que tous ces processus prennent du temps et il faut une connaissance de l’histoire pour comprendre le mécanisme d'assimilation dans son ensemble. Le matraquage qui consiste à nous<br /> faire croire que pour avancer, il faut connaître l’anglais, des choses strictement utiles pour le quotidien, tout en éliminant progressivement les cours d’histoire (soit-disant passant<br /> mensongers), de géographie, de latin, sur les religions…etc. n’a qu’un but, nous asservir au mépris de toutes les diversités, et le pire ''au nom d'un avenir soit-disant plus prometteur''. Mon<br /> oeil !<br /> <br /> <br /> <br />