Ce blog cherche à sensibiliser les lecteurs sur la diversité ethnolinguistique de notre planète, avec certaines réflexions qui me viennent et qui sont en rapport avec les cartes linguistiques de mon site.
Ayant trouvé par hasard Atlas of true name, un atlas du monde qui révèle les racines étymologiques, des significations historiques ou des termes familiers sur les cartes d'aujourd'hui, et ce en langue anglaise, j'ai voulu faire de même avec la province du Québec.
Dans cette carte réalisée ci-dessous, je mets surtout l'accent sur une toponymie autochtone très riche, qui reflète souvent soit le lieu topographique, soit qui relève d'une histoire. Vous serez surpris, tout comme moi, de découvrir notre coin de pays sous un nouveau jour. Comme je dis souvent : «quand les perspectives changent, notre approche aux choses change aussi».
Nota
J'ai noté une chose intéressante, s'il y avait bien un nom de village surprenant, c'est bien celui de Quaqtaq, village inuit, qui signifie « Ver intestinal ». Jusqu'au début des années 1930, l'endroit était connu sous le nom de Nuvukutaaq (la longue pointe). Toutefois, selon les histoires que l'on raconte encore aujourd'hui, un homme serait un jour venu dans la région pour chasser le béluga et aurait trouvé des parasites vivants dans ses selles. Ses compagnons de chasse auraient alors donné le nom de Quaqtaq (ver intestinal) à l'endroit et l'utilisation de cette nouvelle appellation se serait rapidement répandue.
Quant au plus long toponyme amérindien officiel du Québec, situé à environ 200 km au nord de Sept-Îles, il s'agit du ''Portage Kamushkuapetshishkuakanishit''. Comportant 28 lettres, il signifie : «quand on passe par ce portage, on s'accroche les pieds dans les racines».
Une histoire toponymique amérindienne rayée à coup de ..... crayon
Le géographe Eugène Rouillard publia en 1909, un article assez célèbre intitulé : «L'invasion des noms sauvages». On déclara donc la guerre aux toponymes autochtones et, en conséquence, la nomenclature amérindienne du Québec a payé largement son tribut à une politique d'élimination parfois systématique. On estime que des 15000 toponymes autochtones qui meublaient encore les cartes géographiques du Québec au siècle dernier, 80% ont été éliminés de la nomenclature géographique officielle
Aujourd'hui, les données statistiques témoignent sans équivoque de la progression constante de la toponymie autochtone au Québec au cours des 25 dernières années. À la publication du Répertoire géographique du Québec, en 1969, les noms de lieux autochtones étaient au nombre de 1560 et représentaient 4,70% de la nomenclature officielle. En 1995, 10964 d'entre eux étaient officiels et représentaient 9,78% des toponymes officiels.
Espace québécois et expression toponymique
Selon Jean-Yves Dugas dans « L’espace québécois et son expression toponymique » ...le paysage toponymique québécois s'est meublé peu à peu au fil des générations de dénominations reflétant tantôt les modes de vie des premiers occupants tantôt le bagage historico-mental de ceux qui ont colonisé ce coin de terre si particulier du continent nord-américain. Ce langage, primaire affirmerions-nous, de la toponymie véhicule des éléments et des caractéristiques de nature et de valeur très différente avec ses inexactitudes géographiques, ses déformations signifiantes ou involontaires, ses répétitions homonymiques, mais aussi ses éclairs poétiques et sonores à nul autre pareils, ses appellations de bonne frappe, ses identifications pertinentes et motivées. Quel que soit le jugement global que l'on puisse porter sur la toponymie du Québec, celle-ci demeure avec ses grandeurs comme ses misères, ses trouvailles comme ses erreurs, le miroir fidèle de l'histoire d'un peuple particulier et à ce titre, mérite considération et respect.
Selon l'auteur, il existe trois univers toponymiques distincts, à savoir quelques modalités dénominatives chez les Inuits, les Amérindiens et les Blancs du Québec. La perception de l'espace et sa transposition toponymique chez les Amérindiens du Québec présentent une certaine similitude avec celle des Inuits. Vivant très près de la nature, se livrant aux activités de chasse et de pêche, appelés à se déplacer fréquemment, ne disposant que de la tradition orale, ceux-ci ont attribué aux liens qu'ils parcouraient des noms fleurant bon le bois et l'eau, très près de leurs préoccupations existentielles pérégrinatoires ou alimentaires.
Cliquer sur la carte pour agrandir
Certains lieux peuvent avoir une autre définition mais j'ai pris la plus reconnue
Dugas pense que le langage toponymique amérindien demeure très près de la nature qu'il exprime directement ou de façon périphrastique (là où ...). À l'inverse de l'inuktitut et possiblement en raison de l'homogénéité et de la finitude des contrées parcourues, la transposition spatiale apparaît comme très précise, ponctuelle (bout, jonction, poste, confluent) sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir des infixes localisateurs. Faisant sporadiquement appel à des images (mamelle, emmuraillé), cette toponymie dénote un univers mental et réel sensiblement plus complexe et dont les constituants se démarquent davantage de leur milieu environnant. Univers utilitaire, l'espace est surtout perçu dans l'optique de la prosaïque satisfaction des besoins alimentaires où l'animal gibier tient une place prépondérante sans toutefois négliger le vocable formellement évocateur.
Si les appellations autochtones attribuées aux lieux qui peuplent l'espace des premiers habitants du Québec sont marquées au coin de leur nomadisme, centrées sur la nécessité de repérer avec précision les territoires de chasse ou de migration, la toponymie superposée dans certains cas ou imposée dans d'autres par les colonisateurs ou les occupants blancs d'origine européenne véhicule une saisie de l'espace toute pétrie des relents d'une culture plus élaborée, moins près dans l'ensemble de la nature extérieure.
Liste des toponymes cartographiés sur ma carte
Villes
Akulivik | Pointe centrale d'un trident | Inuktitut |
Amos | Porter | Hébreu |
Amqui | Là où les eaux s'amusent | Micmac |
Arthabaska | Là où il y a des roseaux, du jonc | Algonquin, cri |
Aupaluk | Là où c'est rouge | Inuktitut |
Brome-Missisquoi | Herbe-Grosses femmes | Anglais + Algonquin |
Causapscal | Pointe rocheuse | Micmac |
Cayamant | Porc-épic | Algonquin, cri |
Chibougamau | Lieu de rencontre | Cri |
Chicoutimi | Jusqu'où c'est profond | Cri, Tête-de-boule |
Chisasibi | Grande rivière | Cri |
Dolbeau-mistassini | Jean Dolbeau-Grande roche | Français-Innu-aimun |
Ekuantshit (Mingan) | Humain | Innu-aimun |
Escuminac | Poste d'observation | Micmac |
Essipit (Les Escoumins) | Rivières aux coquillages | Innu-aimun |
Gaspé | Lieu ombragé | Basque |
Hochelaga | À la chaussée des castors | Iroquoi |
Inukjuak | Le géant | Inuktitut |
Ivujivik | Lieu où l'on est pris par les glaces qui dérivent | Inuktitut |
Jonquière | Jacques-Pierre de Taffanel de la Jonquière | Français |
Kahnawake | Au rapide | Iroquoi |
Kamouraska | Étendue de foin, joncs | Micmac |
Kangiqsualujjuaq | La très grande baie | Inuktitut |
Kangiqsujuaq | La grande baie | Inuktitut |
Kangirsuk | La baie | Inuktitut |
Kawawachikamach | Rivière venteuse | Naskapi |
Kazabazua | Courant caché, souterrain | Algonquin |
Kuujjuaq | La grande rivière | Inuktitut |
Kuujjuarapik | Petite grande rivière | Inuktitut |
La Romaine (Unamen Shipu) | Ocre rouge | Innu-aimun |
La Sarre | Régiment de Montcalm | Français |
La Tabatière | Sorcier | Innu-aimun |
La Tuque | Colline | Français |
Lac-Mégantic | Gros bois, gros arbre | Algonquin |
Macamic | Castor boiteux | Algonquin |
Magog | Vaste étendue d'eau, grand lac | Abénaqui |
Malartic | Anne-Joseph-Hippolyte de Maurès de Malartic | Français |
Maliotenam | Ville de Marie | Innu-aimun |
Maniwaki | Terre de Marie | Algonquin |
Mashteuiatsh (Pointe-Bleue) | Là où il y a une pointe | Innu-aimun |
Matagami | Rencontre des eaux | Cri |
Matane | Vivier de castors | Micmac |
Matimekosh (Schefferville) | Petite Truite | Innu-aimun |
Mistissini | Grosse roche | Cri |
Montmagny | Charles Jacques Huault de Montmagny | Français |
Montréal | Mont Royal | Français |
New-Richmond | Nouveau mont riche | Anglais |
Nominingue | Celui qui graisse | Algonquin, cri |
North Bay | Baie du Nord | Anglais |
Nutukuan (Natashquan) | Là où l’on chasse l’ours | Innu-aimun |
Oka | Poisson doré | Algonquin |
Pakua Shipi (St-Augustin) | Rivière de sable | Innu-aimun |
Percé | Rocher Percé | Français |
Péribonka | Rivière creusant le sable | Algonquin, cri, Tête-de-Boule |
Pessamit (Betsiamites) | Lieu où il y a des sangsues ou des lamproies ou anguilles de mer | Innu-aimun |
Puvirnituq | Ça sent la viande pourrie | Inuktitut |
Quaqtaq | Ver intestinal | Inuktitut |
Québec | Passage retréci | Algonquin, cri et micmac |
Radisson | Pierre-Esprit Radisson | Français |
Rimouski | Terre à l'orignal / cabane à chien | Micmac |
Ristigouche | Longue guerre | Micmac |
Rouyn-Noranda | Rouyn Nord Canada | Français |
Salluit | Les gens minces | Inuktitut |
Shawinigan | Portage en pente | Abénaqui |
Sherbrooke | Ruisseau clair | Anglais |
Tadoussac | Mamelles ou rochers arrondis | Innu-aimun |
Tasiujaq | Qui ressemble à un lac | Inuktitut |
Trois-Rivières | Trois chenaux de la rivière Saint-Maurice | Français |
Uashat (Sept-Îles/Moisie) | Grande Baie | Innu-aimun |
Umiujaq | Qui ressemble à un bateau | Inuktitut |
Val d'Or | Vallée de l'or | Français |
Wapanoutauw / Eastmain | Terres à l’est de la Baie James | Cri |
Waskaganish | Petite maison | Cri |
Wemindji | Montagne ocre rouge | Cri |
Whapmagoostui | Rivière du beluga | Cri |
Yamaska | Étendue de joncs | Cri |
Régions, provinces, pays
Abitibi | Partage des eaux | Algonquin |
Acadie | Terre fertile | Micmac |
Akimiski | Rouge pays | Algonquin |
Anticosti | L'avant-terre | Micmac |
Appalaches | Tribu des Apalchen | Langues muskogéennes |
Baie d'Hudson | Baie d'Henry Hudson | Anglais |
Baie James | Capitaine Thomas James | Anglais |
Canada | Village, bourgade, groupe de tentes | Iroquois |
Charlevoix | Pierre-François-Xavier de Charlevoix | Français |
Labrador | Travailleur | Latin |
Laurentides | Laurent de Rome | Français |
Maine | Pays des Cénomans | Français |
Manicouagan | Vase à boire, verre, tasse | Cri |
Maskinongé | Brochet difforme | Algonquin |
Massachusetts | Proche des grandes collines | Algonquin |
Matapédia | Jonction de rivières | Micmac |
New Hampshire | Nouveau comté de village | Anglais |
New-York | Nouveau if-Arbre village | Anglais |
Nouveau-Brunswick | Nouveau Bruno Wik (lieu où les marchands se reposent et entreposent leurs biens) | Germanique |
Nova Scotia | Nouvelle-Écosse | Latin |
Nunavik | L’endroit où vivre | Inuktitut |
Nunavut | Notre pays | Inuktitut |
Ontario | Lac magnifique | Ojibwe |
Ottawa | Ville de marchants | Ojibwe |
Saguenay | Son embouchure, sa sortie / D’où l’eau sort | Algonquin, Innu-aimun |
Témiscamingue | Dans l'eau profonde | Algonquin |
Témiscouata | Lac profond | Micmac |
Terra Nova | Terre-Neuve | Latin |
Toronto | Où les arbres s'élèvent dans l'eau | Mohawk |
Ungava | Le plus loin | Inuktitut |
Vermont | Monts verts | Français |
Voici celle de la France en anglais,
mais c'est très approximatif, voire même farfelu parfois.
À lire :
L'écriture des toponymes au Québec
Commission toponymique du Québec
Quelques toponymes intéressants au Québec
La toponymie autochtone au Québec. Bilan et prospective