NO NO NO French paradox, my friend. Le
paradoxe français (
french paradox) est l'expression qu'emploient les anglophones et les diététiciens pour désigner une apparente contradiction entre la pratique alimentaire des Français et leur santé, un terme inventé en 1992 par Serge Renaud. Ma définition du
paradoxe linguistique français désigne plutôt une apparente contradiction entre le nombre impressionnant de locuteurs francophones (environ 180 millions), la politique linguistique et hégémonique du français qui a fait table rase des langues minoritaires et la santé désastreuse de la langue française au niveau mondial.
Un constat désolant
Depuis plus de deux siècles, à quelques exceptions près, tous les États nations sur tous les continents s’efforcent à faire disparaître de leurs territoires respectifs toutes formes de diversités linguistiques afin qu’un unique groupe domine tous les autres. En Indonésie par exemple, la situation est hurluberluesque, voire ridicule. Les 7 millions de Malais indonésiens qui représentent seulement 4.1% de la population totale ont imposé, pour des raisons historiques, le malais comme langue officielle à 240 millions de personnes. Et ce, au détriment du groupe principal que constituent les Javanais et ses 86 millions d'habitants, soit 41.7% de la population, mais aussi au détriment de 300 groupes ethniques et plus de 700 langues ou dialectes. À titre de comparaison, c'est comme si le Bulgare devenait la langue officielle et obligatoire de l'Union européenne.

Même en Afrique, les nations nouvellement formées forgent une identité nationale propre. Le Sénégal ou la République Centrafricaine ont respectivement comme
lingua franca ou langue véhiculaire, le wolof et le créole sango, qui s’imposent aux autres langues minoritaires chaque jour un peu plus.
Maintenant que nous sommes dans une phase d’assimilation très avancée, où les langues régionales ou autochtones, sauf exception, sont à l’agonie, un retour du bâton se fait sentir.
Le retour du bâton
Vous allez penser que je vais parler du retour des langues autochtones ou régionales dans le champ de la vie courante. Non, pas du tout !

Le retour du bâton est bien pire que ça. À force de clamer simplistement haut et fort qu’il nous faut une seule et unique langue pour un territoire, que la nécessité de se comprendre pour commercer passe avant tout autre critère, et bien, toutes ces langues, autrefois prestigieuses, se retrouvent à être désormais des lamineuses laminées, toutes à la remorque de l'anglais. Le français n’étant pas assez puissant pour s’imposer, tout comme le portugais, le japonais ou autres, l’anglais devient à présent la seule alternative qui permettra à toute la planète de se comprendre. Notre territoire national qui définissait notre espace linguistique se substitue peu à peu en un territoire supranational ou mondial.
En effet, de nos jours, et à travers le monde, on se fiche éperdument de la culture française et à fortiori de sa langue. Et il en est de même pour d’autres grandes langues et autres grandes cultures. Et s'il y en a qui pensent le contraire, ils ne font que se bercer d'illusions. Petite parenthèse, j’ai discuté très souvent avec des Africains, et tous, absolument tous, me disent que cela ne les dérangeraient pas que leur pays, ''francophones'', changent de langue officielle. Ils sont prêts à passer du français à l’anglais comme a fait le Rwanda et pensent tous que le français n’a pas d’avenir. Même au Québec, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 1971, 27.6% de la population était bilingue et en 2001, soit trente ans plus tard, ce taux était de 40.8%. Et cela ne cesse d’augmenter, pour autant le français est resté la langue maternelle d’environ 80% de la population et 94% des Québécois comprennent le français. L’anglais progresse alors que la politique linguistique favorise le plus souvent la langue française.

Le
French linguistic paradox nous montre une situation contradictoire, la langue française qui n'a jamais eu autant de locuteurs durant toute son histoire, se trouve devant une situation abyssale, insurmontable et de domination sans équivoque face à l'anglais. La langue française, autant au Québec qu'en France, qui s’est presque débarrassée de toutes les ''petites'' langues sous sa juridiction, va désormais subir les foudres de l’anglais, et je suis absolument convaincu que d’ici deux siècles, si la tendance à la mondialisation se maintien, on parlera de sa survie comme on parle aujourd’hui de la survie du breton, de l'abénaki ou du malécite. Ce n’est que justice selon moi. Personne ne pleure pour le breton sauf une infime poignée de gens, on ne pleurera pas plus pour le français quand on constatera son inutilité, déjà factuelle à travers le monde. D’ailleurs il n'y a que certains Français, idéologues et promoteurs de la langue française, pour vouloir encore croire le contraire. Au Québec ou en Afrique, le bilinguisme ou le trilinguisme est de mise, avec un fatalisme ou un réalisme, le plus souvent accepté et géré avec complaisance.
Quand on tire autant de l'arrière et qu'il est impossible de revenir au score
Quant à la diversité culturelle défendue par l’Organisation internationale de la francophonie, je pense qu'elle n'est qu'un leurre dans lequel s’enfoncent chaque jour ses protagonistes. Ces derniers veulent nous faire à croire qu’en sachant une ou deux langues internationales (toujours les mêmes en passant : espagnol, allemand, italien, arabe ...etc.) pour faire face à l’anglais, on sauvera le monde de cette hégémonie grandissante. Ils construisent un beau château de sable au bord de l'eau alors que la marée monte.
Pour exemple, je vais prendre un texte du Français
Pierre Frath « Hégémonie de l'anglais : fantasmes et dangers ». Ce texte reflète en partie des articles écrits par des Européens francophones sur l'état de la langue française. Je trouve souvent que leurs solutions manquent de recul, même si leurs analyses sont justes, pertinentes et réalistes. Leurs conclusions manquent d'audace et sont trop
francocentristes (après tout c'est normal). Dans sa conclusion, Pierre Frath souhaite que l’on étudie tous des langues internationales autres que l'anglais, et regrette que sa langue maternelle, l'alsacien, ait perdue « la bataille pour sa sauvegarde, malgré quelques efforts folkloriques ici ou là ». Il nous dit : « Il faut faire en sorte que les autres langues européennes ne subissent pas ce sort. Le meilleur moyen, c'est apprendre les langues des autres. »
Encore un qui croit au Père Noël. Pierre Frath nous invite à apprendre, et je le cite, le « portugais, le danois, l'arabe, le néerlandais, le russe, le japonais », alors que lui-même a déjà capitulé avec sa propre langue maternelle l’alsacien, deuxième langue autochtone parlée en France (700 000 locuteurs) après le français. À mon avis, il fait le pire des choix. Je ne doute pas qu’il mettra toutes ses énergies à défendre la langue française, un des derniers remparts avant l’anglicisation, ni de sa bonne foi. Mais, il se trompe de combat, ou plutôt de tactique, il n’a pas compris qu’il fallait défendre l’alsacien qui fait partie d’un ensemble de dialectes alémaniques. Et pourquoi donc ?
Quand l'utopie me rattrape aussi
Devant un tel rouleau compresseur, je ne vois plus que l'utopie pour sauvegarder la diversité linguistique ou le chaos.
L’humanité ne suit qu’une seule logique, la survie de son espèce. Et la pluralité des espèces animales et végétales, des éléments sont au fondement même de la vie. Mais apparemment pas celle de la société des Hommes. (Voir mon article
c'est la faute à Rousseau)
La véritable diversité ne serait-elle pas celle de choisir parmi les forts (allemand, français, espagnol), mais plutôt parmi les faibles, dans le choix hétéroclite de dialectes et autres langues minoritaires, quitte à ce que le communautarisme voit le jour (presque tous nos auteurs en ont peur comme tout bon Français qui se respecte).
Je vais faire une petite analogie avec les espèces biologiques pour bien vous faire comprendre mon point de vue. Je pense que toutes les diversités sont primordiales, animales, biologiques, linguistiques, humaines et quelles sont au fondement de notre survie. Si je fais une analogie avec la biologie, c'est parce que, et la preuve est faite, la diversité linguistique est intimement liée avec la diversité biologique, mais aussi où la société occidentale est la moins présente (
Quand le silence des oiseaux annonce celui des hommes)
Prenons pour exemple un champ de maïs avec des OGM (l’anglais) capable de contaminer tous les champs de maïs autour (autres grandes langues). Vous aurez beau combattre, la contamination aura ravagé les champs aux alentours tôt ou tard. Ce n'est pas à armes égales qu'il faut se battre avec un tel adversaire car sinon il ne restera, par analogie, que du maïs à manger, et nous périrons tous par manque d’autres nutriments.
Par

contre, si vous plantez dès maintenant toutes sortes de légumes (petites langues qui ne servent pas à grand-chose, j'en conviens, surtout aux yeux d’une personne qui vit à un millier de kilomètres), grâce à la richesse des nutriments, l’homme pourra toujours se maintenir en vie même si son plat quotidien sera fait à base de maïs (bilinguisme avec l'anglais). Mais vous allez me dire : pourquoi une comparaison boiteuse entre les grandes langues qui sont du maïs et les langues en danger qui représentent toutes sortes de légumes.
Premièrement, les langues minoritaires ne pourront jamais devenir des langues internationales, elles ne sont pas dans le même registre et la même dynamique que les grandes langues. Elles maintiennent une culture, un folklore, une auto-identification dans de petites zones spécifiques et historiquement reconnues.
Quant aux grandes langues, elles jouent en fait depuis plus d'un siècle exactement le même rôle que la langue hégémonique actuelle qu’est l’anglais, elles détruisent la diversité dans leur champ (de compétence) et elles n’ont fait qu’appauvrir notre pluralité linguistique (ou système immunitaire). D'ailleurs, l'anglais étant devenu si incontournable qu'elles sont toutes en train de capituler dans les domaines politiques, économiques, scientifiques et de plus en plus dans les domaines culturels et linguistiques. Elles souhaitaient peut-être toutes être un jour l'élue. Personnellement, je n’y vois que du nombrilisme pathologique et destruction dans ses politiques linguistiques, anglais inclus.
Existe-t-il des solutions ?
Oui, je le pense même si je n’y crois plus. La solution passerait par l’officialisation de milliers de langues, leurs enseignements obligatoires dans des territoires d'origine, le corse en Corse, l'algonquin en Abitibi-Témiscamingue, le kurde au Kurdistan, le cheyenne dans des comtés de l'Oklahoma avec une grande sensibilisation dès l’enfance à la différence comme condition sine qua non à tout apprentissage. Évidemment, l'anglais comme langue seconde. Au risque aussi de voir des milliers de communautés se reconstituer.
Mission impossible et utopie ! La diversité va souvent à l'encontre des réalités politiques et financières.
Pour une personne comme moi qui aime à nager dans la différence, ce ne serait que bonheur, mais l'intolérance ou plus souvent la peur de la différence sont malheureusement de mise dans ce monde. Et, nos chers intellectuels n'en sont pas moins en reste. Cela se ressent dans les textes, on compare le communautarisme ou le régionalisme au féodalisme. (Ridicule !)
Quant aux État-nations, j'espère qu'ils disparaîtront, car ils mettent souvent ensem

ble des populations ethniques et linguistiques dans un même panier et crient au concept d'universalisme à qui veut l'entendre. L'universalisme républicain en France qui touche un des principes
corollaires de l'idéologie républicaine française, bafoue ses principes de liberté et d'égalité au grand jour depuis des siècles avec la mort orchestrée des langues minoritaires situées sur son territoire. On comprend mieux les antagonismes délirants entre la réalité d’un côté et les principes idéologiques de l’autre. À la différence des Français, les Anglo-saxons ont souvent fait preuve de pragmatisme quand il s'agit de faire une part plus belle au particularisme des communautés, tant et aussi longtemps que l'anglais restait sous-jacent. Le pouvoir d'attraction de l'anglais étant si puissant que l'on fait fi des différences qui s'estompent à long terme. Dans le cas contraire, ils ne se sont gênés pour déporter les Acadiens ou tuer les Amérindiens.
La différence fait partie de la vie, et vouloir assimiler des populations au nom de principes illusoires ne mène nulle part. Le
réalisme anglais face à l'
idéalisme des Français est une des grandes forces des Anglo-saxons et au Québec nous avons le meilleur ou le pire des deux, selon votre optique. J'aime à citer que l'Australie ou les États-Unis n'ont d'ailleurs pas eu besoin d'officialiser la langue anglaise (
English does not have de jure status). Incroyable, non ? La réalité et la puissance hégémonique n'a pas besoin d'être encadrée par des lois, elle s'impose d'elle-même.
Une solution plus ou moins réaliste
Je pense qu'une partie de la solution à la sauvegarde de la diversité linguistique se trouve présentement dans un pays anglophone : l’Afrique du Sud. Ce pays a onze langues officielles : Le zoulou, le xhosa, l'afrikaans, le sotho du Nord, le tswana, l'anglais, le sotho, le tsonga, le swati, le venda et le ndebele. Tous les grands groupes ethnolinguistiques ont un statut juridique qui les protège et si cette diversité linguistique se maintient, avec comme lingua franca l'anglais, alors ce pays serait l’exemple à suivre.
Je pense qu' il faut aussi s'assurer que l'anglais, langue véhiculaire ou lingua franca, soit une langue seconde apprise vers l'âge de 8 à 12 ans Bien après une bonne entrée en matière avec la première langue, et qui ne soit pas l'usage courant pour les jeunes, surtout dans la rue. Selon certaines études, notre cerveau aurait une certaine plasticité avant qu'il se cristallise vers l'âge de 8 ans. Il est donc plus difficile d'apprendre une langue après 8 ans et les sons après 5 ans (les accents). Dans le cas où la maîtrise des deux langues est parfaite (« bilinguisme idéal »), où les personnes deviendraient de parfaits bilingues dés la petite enfance, le risque que la langue première minoritaire disparaisse à court terme est inévitable, je dirais impérieux, fatidique. Les gens sont inexorablement attirés par la langue la plus puissante.
L’école est l’endroit le plus important pour l’éducation bilingue car elle est le milieu d’acquisition fondamental de la langue. En plus, elle fonctionne comme une instance de légitimation où on apprend la norme standard de la deuxième langue. L’âge de l’apprentissage des langues joue un très grand rôle face au vrai bilinguisme. Les facultés pour un vrai bilinguisme commencent à régresser dès l’âge de 3-5 ans lorsque l’enfant n’est exposé qu’à une seule langue. A l’âge de 7 à 12 ans la perte est irréversible et en plus il éprouve une peur de l’erreur envers l’apprentissage d’une langue.
L'anglais doit seulement être un outil de communication limité dont presque personne n'y ressent un fort attachement socio-culturel, sauf peut-être de façon sporadique (musique, télévision, Internet). Il faudrait en fait des milliers de
lois 101 pour encadrer chaque langue. En réalité, je pense que les grands ensembles détruiront comme jadis toutes les diversités linguistiques.
Mais malheureusement, comme Pierre Frath, moi aussi je me suis mis à rêver.
En conclusion
L’impérialisme culturel romain d'hier a supprimé de la carte de l'Europe des centaines de langues, faisant ainsi de ce continent, le moins diversifié linguistiquement au monde. Aujourd'hui la culture anglo-saxonne, qui fait subir aux grandes langues le même sort, semble faire apparement « partie de la trajectoire historique de la modernité occidentale ».
À mon humble avis, il n’y a que la diversité des petites langues ou le chaos pour sauver la diversité linguistique mondiale (
Small is beautiful). Cette logique de l’uniformité linguistique nationale au détriment des minorités linguistiques a rattrapé le français en ce début du XXI
e siècle et cette langue est désormais condamnée tant et aussi longtemps que la mondialisation qui me semble inéluctable, continuera. Éliminer lentement la diversité linguistique de son pays pour ensuite prôner, réclamer haut et fort une autre diversité pour sa propre survie, n'est qu'hypocrisie, une duplicité idéologique sans fondement et je l'espère, vouée à l'échec.
Constater la victoire de batailles gagnées sur le dos de petits groupes linguistiques, quand à long terme, on sait très bien aujourd'hui que l'on va perdre la guerre contre l'anglais, prouve l’idiotie des politiques linguistiques nationales. Le français s'est pris à son propre piège, et c'est ainsi que « tel est pris qui croyait prendre ».
NO, NO, NO in English please. It's the biter bitten. Autant commencer tout de suite. Comme dans la chanson d’ABBA, groupe suédois qui chante en anglais : « The winner takes it all », my friend ! (le vainqueur prend tout, mon ami !).
Références :